Archives mensuelles : mars 2016

Le Peyrou et la Meije

PeyouMeijeDans la montagne dominant Villar d’Arène, il y avait autrefois un puissant château très haut perché. Le maître du château était paillard, grossier, rude, mais il n’y avait pas de chasseur plus audacieux que lui : infatigable, il savait forcer une harde de chamois ; courageux, il savait attaquer dans sa tanière, le terrible ours des montagnes ; hardi, il savait franchir les rochers les plus abrupts.
Ses propriétés s’étendaient du Chambon jusqu’à Briançon. Il était devenu le maître de la route du Lautaret où il avait installé un péage. Un jour qu’il visitait ses terres, il rencontra une jeune fille qui filait de la laine devant sa maison. Anne, car elle portait ce doux nom, était plus blonde que la moisson, plus belle que les Vénitiennes et plus sainte que la Mère de l’Enfant de Dieu. Il en tomba follement amoureux et devant son refus, il essaya de rompre sa chair et d’égarer son esprit dans des entreprises de chasse périlleuses, qui ne lui donna ni le calme ni le repos. Il essaya de se gorger d’autres chairs et cela ne fit pas davantage.
Enhardi par le Démon qui s’était emparé de son cœur et de son esprit, il chargea ses serviteurs de s’emparer de la jeune fille qui la ramenèrent par une nuit sans lune au château. Elle ne lui fit pas de reproches, mais elle lui fit serment qu’il n’aurait rien de sa chair. Il essaya de s’approcher d’elle, et un soir, comprenant que le démon guidait ses gestes, Anne se servit pour se défendre de la seule arme en sa possession: le fuseau. Elle le blessa à la main droite et la laine blanche devint rouge. Sentant sa vie éternelle en péril, la jeune fille en profita pour s’enfuir.
Au château, la colère s’empara du seigneur chevalier, dans la nuit, un hurlement sinistre retentit du Lautaret à Briançon, les âmes pieuses se signèrent pressentant un malheur, les pénitents revêtirent leur cagoule et prièrent le reste de la nuit.
Après bien des fatigues, Anne arriva au sommet du plateau en face duquel se dresse la Grande Meije.
On avait édifié à cet endroit un oratoire en l’honneur de la Mère de Dieu. Lasse, le corps rompu, la jolie fileuse s’agenouilla devant l’autel et se mit à prier. Pendant ce temps, sans doute guidé par le diable, le seigneur chevalier la trouvât et lorsqu’il ouvrit la porte de l’oratoire. Elle s’écria: «Sainte Vierge, je suis seule, prenez-moi, protégez-moi, cachez-moi dans le rocher, au sommet de la Grande Meije, par pitié !» Et le miracle se produisit, une lumière céleste éblouit le seigneur chevalier qui entendit les paroles divines: «Repens-toi, chevalier félon, car cette jeune fille si pure sauve son âme. Pour expier tes fautes tu ne seras plus le lion courageux et libre du val de la Romanche, mais le lion de pierre en face de moi, sur le Peyrou d’Amont, en face d’elle qui a choisi le sommet de la Grande Meije». Pendant toute l’éternité, ils seront ainsi en face l’un de l’autre: le chevalier déloyal et la belle fileuse.
Dans ce face à face éternel, on dit que la Meije devient parfois plus aérienne lorsque la belle fileuse pardonne à son persécuteur. En revanche quand elle se voile de nuages menaçants, les gens disent qu’elle se protège ainsi des attaques du seigneur chevalier tapit en bas au Peyrou d’Amont qui a pris définitivement la forme d’un lion couché et blessé à mort.
Que ceux qui feront la Meije et bivouaqueront au sommet se recueillent et écoutent. En se penchant vers l’abîme, par-dessus le glacier, ils entendront les plaintes angoissantes du seigneur chevalier, mais tout près d’eux, ils sentiront la présence de leur ange gardien qui veillera sur eux. Anne prie pour ceux qui exposent leur vie par noble idéal, invisible mais présente, elle les suit de rocher en rocher, elle les réconforte. Si le grand malheur survient, alors, elle leur apparaît et adoucit les transes de la mort. Elle se penche sur le pauvre corps brisé et dans un grand élan d’amour elle lui donne la grande joie de mourir dans ses bras.
Source : Association coutumes et traditions de l’Oisans

Lacs des Ecrins

Territoire exceptionnel de haute montagne, situé à la frontière des Alpes du Nord et du Sud, la position du massif des Ecrins lui apporte la diversité des espaces nordiques et méditerranéens. De profondes vallées percent le massif jusqu’à son cœur de glace, une forteresse qui culmine à 4101 m, à la Barre des Ecrins, entourée d’autres sommets tout aussi prestigieux tels que la Meije, le Rateau, les Agneaux, le Pelvoux, les Bans, l’Olan, le Sirac, … Détenteur de rareté, ce vaste territoire cache aussi, en son sein de nombreux joyaux disséminés au pied de ces prestigieux sommets ; ce sont les lacs des Ecrins: Lauvitel, Pavé, Eychauda, Distroit, Mariande, Pétarel, Surat, Pissoux, Vallon, …, on en dénombre 44 dans la zone cœur du Parc National des Ecrins.
Pour partir à leur rencontre => LacsPNE

Spectre de Brocken

SpectreBrockenDepuis des époques très reculées, la montagne du Brocken (Allemagne) a été réputée comme le théâtre habituel d’apparitions extraordinaires. Les paysans du pays parlent encore aujourd’hui du Brocken avec un certain effroi. Ce sommet, qu’ils croient ensorcelé, leur inspire des terreurs superstitieuses. Ils redoutent d’en faire l’ascension à l’heure du lever du soleil, car c’est à ce moment surtout, que d’après leurs récits, des spectres formidables apparaissent au sein de l’air, que des ombres colossales surgissent  au milieu des nuages …
Ce phénomène rare qui s’aperçoit plutôt en montagne est aujourd’hui bien connu. Il est formé par la diffusion de la lumière par les gouttelettes qui forment le brouillard. La condition optimale pour l’observer est d’avoir un Soleil bien dégagé derrière soi et une nappe de brouillard devant soi. On a donc le Soleil dans le dos, et l’on observe l’apparition d’un cercle lumineux et coloré à l’exacte opposée du Soleil. Ce cercle lumineux a pour nom la Gloire. On observe aussi une zone centrale sombre, qui n’est autre que l’ombre de l’observateur, cachant le centre et le bas de la Gloire: c’est le Spectre de Brocken. Chaque personne voit donc son propre spectre.
On peut aussi se reporter à la description qu’en fait Charles Baudelaire dans les Paradis artificiels  Spectre du Brocken

Histoire de La Meije

Pour la Meije, second sommet du massif, l’origine du nom est sans problème. Mais rappelons d’abord que cette appellation qui a prévalu est celle de la Grave, alors que pour le versant sud des Etançons c’était le « Bec des Peignes » (cadastre de Saint-Christophe 1830) nom très suggestif pour qui a vu cette montagne depuis le vallon des Etançons. Il subsiste encore pour les chasseurs de chamois des endroits dénommés « les Peignes » dans le massif de la Meije, survivance tenace. Signalons aussi que la Meije a été nommée d’abord « Pointe de Mallaval » d’un lieu-dit entre le Chambon et La Grave d’où l’on aperçoit pointer ce sommet au sens propre du terme. La première mention en est faite par La Blottière en 1712. Il divise le massif en deux « les montagnes de Mallaval vis-à-vis le village de La Grave sur lesquelles il y a toujours des glaciers et la montagne de l’Ailefroide au-dessus de Vallouise sur laquelle il y a aussi beaucoup de neige ». Mais la pointe de Mallaval deviendra vite en 1749 (carte de Bourcet) « l’Aiguille du Midi » ou l’Aiguille du Midi de La Grave pour la différencier de beaucoup d’Aiguilles du Midi, celles de Chamonix et bien d’autres, les Dents du Midi (Valais), les Pics du Midi d’Ossau et de Bigorre dans les Pyrénées, le Pic du Midi des Andrieux dans le Valgaudemar, le Mittaghorn en Suisse, liste évidemment non-exhaustive mais qui montre qu’en tous lieux, n’ayant pas d’horloge, on était obligé de chercher midi en conjuguant (sens étymologique) le soleil et un sommet. On peut aussi chercher les 11 heures! Ainsi la « Cima Undici » dans les Dolomites. En 1834, on voit apparaître, à côté de la traduction française, la forme patoise « la Meidjour » (milieu du jour) vite transformée en Meidje et c’est ce nom qui va l’emporter et être fixé définitivement par la carte d’état-major au 80000ème en 1866. Enfin le « d » se perd pour donner la Meije que nous connaissons actuellement. Notons que la forme patoise a subsisté aussi en certains endroits. Il y a ainsi trois Rochers ou Aiguilles de Miejour en Haut-Ubaye et dans le Queyras.
Source : Livre « Noms de lieux, quelle histoire ! » de Pierre Barnola et Danièle Vuarchex