Archives mensuelles : juillet 2015

Histoire et légende du berger Guilhem

L’histoire contée de la Chapelle St Guillaume

L’histoire racontée du petit berger Guilhem devenu St Guillaume

Cette histoire se passe en 1202, sur les rives de la Durance, tout près de sa confluence avec le Guil. Ici vivait Guillaume, qu’on appelait aussi Guilhem, un petit berger qui était né sans main droite. C’était le temps des seigneurs et des paysans. C’était aussi le temps des moines qui avaient fondé un hospice, dépendant de l’abbaye d’Oulx en Piémont. Cet hospice se nommait Notre-Dame de Calmes. Guilhem connaissait bien les moines : du haut de ses alpages, il les avait vus défricher toute une zone agricole vers le hameau du Cros où il était né. Il savait qu’ils accueillaient les passants en difficulté arrêtés quelquefois par les crues des rivières et des torrents, les pèlerins qui se rendaient à Rome ou à Jérusalem, les voyageurs à pied ou à cheval. Hospice, relais de poste, hôtel, monastère, notre hospice était tout cela.

Un jour, comme il gardait ses brebis, il entendit un grondement sourd. C’était celui du Guil et de la Durance qui roulaient leurs eaux de crue de printemps. Une force irrésistible le poussa à courir jusqu’à Notre-Dame de Calmes pour avertir les moines de la montée des eaux… On ne l’écouta pas « Guillaume, occupe-toi de tes moutons et laisse à Dieu le soin de régler le ciel et la terre ! ».

Il revint plusieurs fois dans la journée, poussé par une même force qui le bouleversait, pour tenter de convaincre les moines. Dans la nuit, Guillaume, couché sur la paille de son châlit, entendit la pluie et le vent qui redoublaient de violence. Quand il s’éveilla, après une nuit difficile, peuplée d’anges et de démons, de moines et d’inondations, il se frotta les yeux… Avec les deux mains ! Dieu lui avait offert une main toute neuve, afin qu’il puisse convaincre les moines. Ils virent et ils crurent ! Ils firent leurs dernières prières, fermèrent à clé les portes du monastère, alertèrent les villageois, et tout le monde alla se réfugier plus haut sur la montagne, au pied de la grand falaise de poudinge. Le flot brutal des eaux des rivières emporta tout, il ne resta plus rien du monastère et du village.

Les moines bâtissent alors un nouveau monastère au pied du rocher de Mont-Dauphin où se trouve la chapelle. Unissant leurs efforts, les habitants des vallées vont au cours des siècles reconquérir les terres de la plaine et emprisonner le Guil et la Durance dans un lit de pierres et de gabions. Accueilli et instruit par les moines, Guillaume devient lui-même religieux puis prieur.

A la mort de Guillaume, la main venue du ciel refusa de rester en terre. On la plaça dans une chasse en argent et elle fit l’objet de prières et de pèlerinages pendant tout le Moyen-Âge. Au XVIe siècle certains archevêques d’Embrun doutèrent de cette histoire. Tout fut fait pour essayer d’empêcher le culte de Guillaume devenu saint. La main accomplit pourtant des miracles : lorsqu’on présente la main, l’incendie du village d’Eygliers est arrêté, elle guérit la jambe gangrenée d’un notaire de Saint-Crépin, elle fait marcher un paralytique de Réotier ! On dit aussi que lors de la construction de la place-forte de Mont-Dauphin, l’ingénieur qui manquait de pierres de tuf pour construire les fours à pain, ordonna qu’on prenne celles du Chœur de la chapelle. Le pain ne put jamais cuire dans ces fours, jusqu’à ce qu’il ait rétabli la voûte du lieu saint… Rien n’arrêta pendant 700 ans la ferveur des habitants du pays !

Aujourd’hui, la Chapelle est ouverte uniquement le lundi de Pâques à l’occasion de la fête de la Saint-Guillaume : procession religieuse et célébration de la messe, puis marché de produits régionaux au pied de la chapelle. La tradition veut qu’après les cérémonies religieuses on « gouteronne » sur l’herbe, on « toque » les œufs durs. Celui dont l’œuf résiste le plus longtemps est le vainqueur : le perdant donne son œuf ou paye un coup à boire.

Sources :
http://sylviedamagnez.canalblog.com/archives/2014/04/21/29459502.html
http://www.baroulade.fr/fr/patrimoine

La Thuriferaie de St Crépin

Thutifère EléphantLe genévrier thurifère est un petit arbre d’environ 6 mètres de haut qui se caractérise par une croissance extrêmement lente et une très grande longévité. En France, cet arbuste appelé aussi genévrier à encens reste rare. L’une des principales zones de protection se situe sur la commune de St Crépin (05) où l’espèce a été pour la première fois répertoriée en 1786. Sur le site, un sentier aménagé permet de découvrir de nombreux individus âgés de plusieurs siècles, aux formes tourmentées.

Les vieux individus peuvent avoir des formes très variées, extrêmement tortueuses ou buissonnantes. Il existe même une variété rampante. Certains spécimens peuvent atteindre 15 mètres de haut, et jusqu’à plusieurs mètres de circonférence à la base. Il ne craint ni la sécheresse, ni le froid, et se contente d’un sol médiocre, voire d’une fissure dans un rocher. Par ailleurs, il se régénère très facilement s’il est coupé, brisé ou encore foudroyé. Sa forte teneur en essences aromatiques le protège des parasites en tout genre, son seul point faible reste sa croissance extrêmement lente, sa faible distribution en France et le feu. L’arbre le plus remarquable de St Crépin, et sans doute de France, est estimé à 1400 ans, mesure 10 mètres de haut, presque 20 mètres de large et sa circonférence atteint les 7 mètres avec un diamètre de 2 mètres.

Le sentier aménagé par la commune est un ancien chemin muletier qui relie le village de St Crépin au hameau des Guions situé à 1280 mètres d’altitude. Le retour par le sentier Combal In Bran permet de faire une très belle boucle, montée par la thuriferaie puis descente sur un chemin plus escarpé qui passe par le site d’escalade de St Crépin, et offre des vues splendides sur la vallée et les sommets environnants. A parcourir sans modération en tout sens et par tous temps! Environ 400 m de dénivelé et 3 heures pour la boucle.

Sources:
http://www.saintcrepin.com/naturel.asp
https://fr.wikipedia.org/wiki/Juniperus_thurifera
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1950_num_38_3_4067

Histoire et légende de la Dame Blanche du col du Lautaret

Cette histoire est connue dans le Briançonnais. La légende se situe en hiver, aux environs du col du Lautaret qui culmine à plus de 2000m d’altitude ;  lorsque les rigueurs de la saison transforment la délicieuse balade connue en été, en une périlleuse et parfois fatale expédition. En effet, lorsque la tourmente se déchaîne, rendant la visibilité quasiment nulle, la route sillonne dangereusement entre des parois de neige formées par les congères et la chaussée est aussi glissante qu’une patinoire. Nombreux sont les gens qui ont du abandonner leur voiture ensevelie sous la neige et poursuivre leur chemin à pied, avec le risque de finir congelé jusqu’au prochain printemps …

sans-titre L’histoire raconte l’étrange aventure survenue à de nombreuses personnes au cœur de la nuit et de la tourmente. Alors qu’elles étaient concentrées sur la conduite de leur véhicule, une incroyable apparition les surprenait au détour d’un virage. Une dame vêtue d’une robe et d’un châle dont la blancheur immaculée rappelait celle de la neige, faisait de l’auto-stop appuyée contre une paroi glacée. Troublés et peinés par l’apparent dénuement de cet étrange fantôme, nombreux sont ceux qui lui offraient l’hospitalité dans la réconfortante chaleur de leur voiture. Son visage était entièrement dissimulé par son châle et toutes les tentatives de conversation s’avéraient vaines, elle gardait obstinément le silence. Les automobilistes reprenaient alors leur conduite et la nécessité de se concentrer leur faisait momentanément oublier leur passagère ; et le voyage se poursuivait toujours sans dommage. Dès la tourmente terminée et le col franchi, ils ne pouvaient que constater la disparition de la Dame …

 Dans les auberges de la région, on raconte que la Dame Blanche du Lautaret protège les automobilistes qui la prennent à leur bord. Quant à ceux qui l’ignorent, leur voyage se poursuit au péril de leur vie.  On raconte aussi que certains ont été internés en asile psychiatrique, à Laragne, pour avoir relaté cette histoire …

Caractéristiques des histoires et légendes sur les Dames Blanches :

Généralement, les dames blanches se matérialisent toujours au même endroit (routes, ponts, chemins, grottes, …). Elles tirent leur nom de leur vêtement ou de la lumière qui émane d’elles. L’apparition se manifeste souvent au milieu de la nuit, heures propices aux fantômes. Elles représentent généralement un esprit en peine, une âme triste, errant sur le lieu d’un drame et ce, jusqu’au jugement dernier. Dans certaines histoires, la dame blanche apparait comme rusée et malicieuse, voulant quelque fois se venger en jouant des tours et en égarant les voyageurs.

Conquérant de l’Oisans sauvage: Capitaine Adrien Durand

escalades_alpes_whymper_1872_pelvoux_mont-dauphinLe nom de Pelvoux vient de l’occitan « pelvo », qui signifie haute montagne. Longtemps considéré comme le plus haut sommet du massif et de toutes les Alpes Françaises (avant l’annexion de la Savoie), le Pelvoux est une immense montagne de neige et de roc, un véritable massif à lui tout seul. C’est parce que, de la vallée de la Durance, sa masse imposante cache une bonne partie du massif des Ecrins, que le Pelvoux était pris pour la plus haute montagne de la région, et cela explique aussi pourquoi il a longtemps donné son nom au massif tout entier. Il comprend quatre sommets assez individualisés :

  • la Pointe Puiseux (3 946 m, point culminant)
  • la Pointe Durand (3 932 m)
  • le Petit Pelvoux (3 753 m)
  • les Trois Dents du Pelvoux (3 682 m)

La première ascension fut effectuée en 1828 par le capitaine Adrien Durand, Alexis Liotard et Jacques-Étienne Matheoud (chasseurs de Chamois). Il est probable qu’ils soient également montés à la pointe Puiseux mais le capitaine Durand n’en fait pas mention. On lui attribue donc que la première à la pointe Durand. C’est la s[econde ascension, réalisée en 1848 par Victor Puiseux et le guide Barnéoud, qui donnera son nom au point culminant.

Mais qui était donc ce capitaine Durand qui osa conquérir cette montagne à une époque ou l’ascension d’un sommet de 4000 mètres représentait un exploit exceptionnel et pourquoi son nom n’est il pas associé au sommet principal ? C’est ce que je vais vous conter …

illustrations_passes_alps_varsAu début du XIXe siècle, certain territoire restait très mal connu, notamment les régions montagneuses. A cette époque, on ne connaissait pas avec certitude le point culminant de la France (suite aux traités de Vienne (1815), la Savoie et le Mont Blanc n’en faisaient plus partis), on le situait dans les Alpes Dauphinoises et il était admis que cette suprématie revenait au Pelvoux. La carte de Cassini, établie vers 1750 devenait insuffisante, et en 1818, pour des besoins militaires, il a été décidé de lever une nouvelle carte.

L’élaboration de cette nouvelle carte se fera au travers de triangulations, et c’est au capitaine Durand, du corps des ingénieurs géographes, polytechnicien, spécialisé en géodésie et triangulation, que va revenir, en 1823, le lourd honneur de trianguler le sud-est de la France. Le voile d’incertitude qui couvre encore les Alpes Dauphinoise va être levé par cet homme apprécié pour son travail technique mais pas pour son franc-parler.

Il va ainsi passer plusieurs années de sa vie à son devoir de géodésie, labeur harassant jamais reconnu à sa juste valeur par sa hiérarchie. Les bureaux de Paris ne discerneront jamais très bien qu’il est plus difficile d’opérer sur un sommet de 3000 mètres que sur les collines du Poitou. De cette incompréhension résulteront des programmes trop lourds. Il finira épuisé, et s’éteindra en 1835, à 48 ans, usé par la folie, sans avoir pu accéder aux grades supérieurs que semblaient lui promettre ses travaux. Ses comptes-rendus trop laconiques et factuels n’ont jamais mis en avant son opiniâtreté, sa persévérance et les souffrances qu’ont nécessitées ses travaux.

Ainsi la rumeur attribuait, en ce début de XIXe siècle, au Pelvoux la suprématie de l’altitude. Le capitaine Durand décide donc, d’inclure le Pelvoux dans la liste des sommets à gravir pour réaliser ses triangulations. Ce choix témoigne d’une incontestable audace et caractérise un homme d’une trempe exceptionnel, en effet, se lancer à l’assaut d’un tel sommet à cette époque relève de l’exploit.

escalades_alpes_whymper_1872_pelvoux_IC’est donc tout simplement pour son travail, que notre homme va réaliser cette ascension. En 1828, il entre en Vallouise avec l’intention de recruter deux « guides » afin de le conduire au sommet du Pelvoux. Le choix s’est porté sur ce sommet après qu’il eut envisagé de gravir la Meidge (Meije) qu’il a estimé trop excentrée, puis après avoir écarté la Pointe des Arcines (Barre des Ecrins) de ses projets car il la jugeait peu propice à l’établissement d’un campement, la construction d’un signal et l’installation du théodolite.

C’est donc avec deux chasseurs de chamois, Alexis Liotard et Jacques-Étienne Matheoud, qu’il se lance le 30 juillet 1828 à l’assaut du sommet. Cette ascension sera réalisée au départ du vallon de Celse Nière, puis l’itinéraire gravi les rochers et pentes de neige raides le long du glacier du Clos de l’Homme qui donnent accès au plateau sommital du Pelvoux. Ils y découvrent deux pointes, l’une dépassant l’autre d’une dizaine de mètres, et décide de construire le signal sur la plus basse, sans doute plus propice à son édification. Cet édifice sera construit quelques jours plus tard, ou il remontera au sommet avec une dizaine de porteur et s’attachera à mesurer l’altitude précise du signal depuis les sommets alentours. Ces signaux étaient d’immenses cairns creux agrémentés d’ouvertures, dans lesquels on pouvait placer le théodolite et viser d’autres sommets. Ils servaient de mire, de sommets en sommets, afin d’en déterminer l’altitude par triangulation. C’est aussi lors de cette ascension, qu’il découvre à quelques kilomètres un sommet à coup sûr plus haut que le Pelvoux, la Barre des Ecrins.

Deux ans plus tard, le Capitaine Durand remonte au Pelvoux, du 6 au 9 août, afin d’effectuer des mesures. En plus de l’ascension, il faut voir que ces hommes, contrairement aux Alpinistes, qui une fois le sommet atteint se livrent à la contemplation, se mettaient au travail. Il fallait installer le théodolite, et ce ne devait pas être facile de caler un tel instrument sur des blocs branlants, puis effectuer les mesures d’angles tout cela à 4000 mètres.

Ses travaux et calculs achevés, il pu livrer les altitudes des principaux sommets du Haut Dauphiné, les plus élevés du territoire Français : 3937,59 m au grand signal du Pelvoux, 3984,6 m à la Meidge et 4105,1 m à la pointe des Arcines dite des Ecrins et établit de manière irréfutable le statut de plus haute cime à la Barre des Ecrins. Chose dont il était lui même convaincu depuis qu’il s’était rendu au sommet du Mont Ventoux quelques années auparavant, par une journée suffisamment claire pour distinguer les pics enneigés du Haut Dauphiné.

peaks_passes_glaciers_II_carteLa postérité ne gardera de lui que ces chiffres. Le bilan de cette vie trop brève nous a été livré par un historiographe « Né aux gorges du Tarn, il avait voulu y revenir ; puis, saisi par la montagne, il s’était épris définitivement, à sa manière : sept campagnes qui mises à la suite représentent quatre ans pleins, cinquante sommets tous gravis deux fois, même trois (le Pelvoux), et non seulement gravis, mais habités ; deux cents nuits à côté des signaux, la fatigue jusqu’à la mort. Son but ? D’un seul acte longuement et passionnément poursuivi, jeter comme un colossal épervier l’invisible réseau de ses triangles, et y prendre les Alpes … »

Vingt ans après la première ascension du Pelvoux, voici qu’un voyageur arrive en Vallouise. Il s’appelle Victor Puiseux. C’est un Alpiniste et aussi un des membres fondateurs du CAF (Club Alpin Français). A la vue du grand Pelvoux, il est carrément envouté. Il se renseigne sur son histoire et apprend les faits d’armes du capitaine Durand. L’un des guides de 1830, Pierre-Antoine Barnéoud âgé de 64 ans, l’accompagne mais stoppera sous les Rochers Rouges et Puiseux terminera l’ascension en solitaire. La narration qu’il fera de son ascension laisse penser qu’il a bien foulé le point culminant auquel la postérité donnera son nom, que le signal géodésien érigé par le capitaine Durand était encore en bon état et qu’il a distingué un sommet plus élevé que le Pelvoux, chose qu’il semblait ignorer.

Le nom de Puiseux, second ascensionniste, sera associé au sommet le plus élevé (3946m) alors que celui de Durand ne le sera qu’au second (3932m). Tout cela parce que le capitaine Durand à choisi sa construction sur le second sommet et qu’il n’aurait pas foulé le sommet principal différent de 14 m d’altitude ! Le capitaine Durand n’était pas homme de lettres mais homme de chiffres et il semble difficile de croire qu’au travers de ses trois ascensions, il n’ait pas foulé le sommet principal et ce malgré l’insinuation de Puiseux qui au travers de son propos laisse planer le doute sur la non ascension du sommet principal par le capitaine Durand. Il parait si évident lorsque l’on est sur ce plateau sommital du Pelvoux, à plus de 3800m d’altitude, qu’il faille aller faire un tour au véritable sommet, que ni Durand ni Puiseux n’en ont parlé. Durand s’attarde sur le sommet rocheux car il y a fait toutes ses mesures, Puiseux car il a eu la curiosité de s’y rendre pour voir le signal, la « pyramide » de Durand. Le sommet principal, lui, est incontournable et ne nécessite aucun commentaire.

Sources :
https://fr.wikipedia.org
http://www.escalade-aventure.com
http://www.bibliotheque-dauphinoise.com/index.html
Durand du Pelvoux, par Roger Canac, De Borée Editions.
Balaitous et Pelvoux, Par Henri Béraldi, Rando Editions.
La saga des Ecrins  par François Labande, édition Guerin
La Barre des Ecrins par Henri Isselin, Arthaud

Histoire et légende du Pré de Madame Carle

PMC-aujourSitué en amont d’Ailefroide, ce site ferme la vallée de la Vallouise. Aujourd’hui, c’est une plaine de dépôts glaciaires et d’alluvions torrentiels, zone caillouteuse, agrémentée de quelques mélèzes et vernes, balayées  par les eaux de fonte des glaciers qui donnent naissance au torrent de St Pierre. Malgré cette prédominance minérale, c’est cependant un endroit magnifique, haut lieux touristique du massif ou l’on peut sentir la présence des glaciers, Blanc et Noir, invisibles mais tous proches et aussi entrapercevoir les plus hautes cimes du massif des Ecrins. Le Pré de Madame Carle est, sans conteste possible, le lieu le plus célèbre et le plus visité de la Vallouise. On put l’atteindre en voiture dès 1934. Aujourd’hui, son immense parking permet d’accueillir les milliers de visiteurs qui s’y pressent entre juillet et août.

Au début du XIXe siècle, le glacier Blanc et le glacier Noir se chevauchaient vers l’actuel emplacement du refuge Cézanne est cette zone devait être encore moins hospitalière qu’aujourd’hui. Sur certaines  cartes de l’époque, on nommait ce lieu la Grande Sagne, autrement dit le grand lieu humide.

Il faut remonter au XVIe siècle pour trouver des récits parlant d’une prairie fertile et verdoyante. Il faut voir qu’à cette époque, le climat était beaucoup plus chaud et les glaciers, Blanc et Noir, devaient être cantonnés sur leurs plateaux supérieurs. La formation même du site remonte dit on encore plus loin dans le temps, et résulterait du comblement d’un ancien lac glaciaire.

Les chroniques de la Vallouise indiquent que le Pré existait bel et bien, là où il y a maintenant, que des cailloux. C’était un bel alpage qui faisait partie des biens (Bâtie de la Vallouise et ses appartenances) donnés en 1505 par le Roi Louis XII à Geoffroy Carle, Président du parlement du Dauphiné. A sa mort, son épouse Louise Sereyne, originaire de la vallée, administra ses biens et aurait donné ainsi son nom à ce lieu. Une autre tradition attribue ce nom à la belle-fille de ce même Geoffroy Carle, qui au début du XVIème siècle avait été le précepteur de la fille du roi Louis XII. En effet, il aurait acheté en 1510 l’ancien château de la Bâtie des Vigneaux avec ses terres. Son fils Antoine Carle mourut jeune, laissant une veuve et 10 enfants. A leur majorité, ils se partagèrent les biens paternels et laissèrent à leur mère, cette parcelle de terre qui prit le nom de Pré de Mme Carle. Mais beaucoup d’autres légendes courent encore autour de ce pré notamment celle qui voudrait qu’ait péri ici, tirée par un cheval emballé sur ordre de son époux, l’épouse un peu volage de Geoffroy Carle, le premier président du Parlement de Grenoble … La légende contée

Sources:
http://www.vallouimages.com
http://jean.paglieri.pagesperso-orange.fr
http://levaleton-05.skyrock.com

Du parc national de la Bérarde au parc national des Ecrins

alpine_journal_I_ecrins-ptAvant le développement de l’alpinisme et de la géographie (carte de Cassini), le massif était très mal connu. En raison de sa taille et de sa complexité, les autochtones étaient incapables de se le représenter dans toute son étendue et ne nommaient que les cols, sommets, vallons, qui présentaient un intérêt pour les déplacements, les usages, la chasse. Tous les sommets n’en portaient pas. A la fin du XIXe siècle, ces montagnes étaient connues sous divers noms, tels que massif de l’Oisans, de la Meije, du Haut Dauphiné, du Pelvoux.

Ce XIXe siècle est placé sous le signe des bouleversements. Urbanisation galopante, révolution industrielle, développement économique, amélioration des axes de transport, montée de la bourgeoisie, … favorisent une meilleure circulation des idées et les grands débats comme celui de la protection de la nature commence à germer.

Au milieu de ce XIXe siècle, les sociétés montagnardes connaissent un maximum de population et sont confrontées à une crise démographique, économique et culturelle dont elles sortiront profondément remaniées.

La dégradation physique des montagnes, liée à une mauvaise exploitation des forêts, à des problèmes de surpâturage entraîne de nombreuses catastrophes durant la seconde moitié de ce siècle. On tient cette érosion pour responsable des phénomènes de torrentialité déjà connu des spécialistes, mais totalement ignorés du grand public. Ils sont à l’origine de graves inondations dans les plaines. Elles sont très fréquentes et ravagent la plaine de Bourg d’Oisans, et parfois même la vallée en aval jusqu’à Grenoble. Les nombreuses industries qui s’installent peu à peu dans la basse vallée de la romanche, sont elles aussi directement concernées par ces catastrophes à répétitions. Tout ce monde milite donc pour que soit mis un terme aux caprices des torrents situés en amont, notamment celui du Vénéon. Parallèlement, les forestiers demandent des moyens d’intervention accrus pour procéder à des reboisements et lutter contre le surpâturage.

La seconde moitié de ce XIXe siècle est aussi marqué par l’essor de l’alpinisme. Jusqu’alors activité marginale et confidentielle, essentiellement pratiquée par de riches anglais, l’alpinisme est découvert par les classes aisées de la France en train de s’industrialiser. De l’exploitation de l’espace montagnard à sa prise de possession matériel et symbolique, puis un souci de préserver le caractère exceptionnel de ce milieu, il n’y a que quelques pas qui seront vite franchis. Ainsi vont être crée trois grandes associations qui vont militer dans ce sens. Le CAF (Club Alpin Français) en 1874 avec pour objectif de faire connaître les montagnes, la STD (Société des Touristes Dauphinois) en 1875 aux ambitions plus local est limitée aux Alpes Dauphinoises, puis le TCF (Touring-Club de France) en 1890 qui à une ambition nationale de développement du tourisme, mais sera amené à s’intéresser aussi à la sauvegarde des montagnes.

Enfin cette période est marquée par la montée d’un sentiment écologique, surtout inspiré par des considérations d’ordre esthétique. Des esprits critiques commencent à s’insurger contre certains excès du développement et du progrès, notamment les équipements hydro-électriques, et des voix s’élèvent pour réclamer des mesures de protection des beautés de la nature et des paysages.

Ces trois courants de pensée vont évoluer de manière interdépendante. Ils se confortent mutuellement, convergent parfois. Il existe des liens idéologiques, institutionnels ou personnels entre les différents acteurs. Ils se retrouvent bien souvent au sein d’associations qui fonctionnent comme autant de groupe de pression. Même si l’idée reste floue et parfois ambigüe, on commence à militer en faveur de la protection de la montagne.

Le début du XXe siècle va concrétiser ce changement. Jusqu’en 1905, les espaces pastorales continuent à être surexploités, voire étendus sur certaines communes, notamment celle de St Christophe en Oisans, pour accroitre les rentrées financières. En 1906, une longue période de sécheresse va stopper cette surexploitation des pâturages. L’année suivante, les transhumants se détournent des pâturages du Vénéon, ce qui oblige la commune à se tourner vers le préfet pour demander de l’aide, et va susciter alors une véritable coalition des pouvoirs publics et associatifs, pour convaincre la municipalité aux abois de louer à l’état, pour une période de 5 ans son territoire pastoral afin d’en assurer la restauration. Parmi les adjudicataires, on retrouve l’état mais aussi bon nombre d’acteurs qui, dès la fin du XIXe siècle avaient sollicité l’intervention de l’autorité pour endiguer les excès de torrentialité dans les vallées du Vénéon et de la Romanche.

Jusqu’alors, tout ce qui s’est passé dans la vallée du Vénéon n’a pas de lien direct avec les grands mouvements d’idée autour de la protection de la nature. Il s’agit de régler, dans l’intérêt des populations locales, une mauvaise gestion de l’espace pastoral. A aucun moment n’est prononcé le terme de parc national. Tout va basculer avec l’arrivée d’un nouveau responsable à la tête de la conservation des Eaux et Forêts de Grenoble. Avec lui, le problème de la restauration pastorale pour endiguer les phénomènes de torrentialité prend une autre tournure. De local, il devient national. Dès lors, il va être explicitement question de la création d’un parc national, et la vallée de la Bérarde devient un providentiel terrain d’application des théories qui foisonnent en ce début de siècle (reboisement, protection des forêts, aménagement des montagnes, …). Pour concrétiser ce projet, il va faire en sorte que l’état devienne propriétaire des terrains, chose qui sera réalisé en 1912.

L’état est désormais propriétaire de 4000 hectares de montagne sur les hauteurs de St Christophe en Oisans, et l’histoire du parc peut commencer. Ainsi en 1913, est créé le parc national de la Bérarde  sur le modèle de la réserve suisse de l’Engadine, fondée quatre ans plus tôt. Il s’agit de défendre la montagne contre l’envahissement des pâturages, qui entraine érosion, déboisement et désordre torrentiel. L’appel aux souscriptions pour la gestion du parc est à peine lancé, qu’éclate la première guerre mondiale et plus rien ne se passe durant cinq ans.

Ce n’est qu’à partir de 1919 que l’on reparle du parc. Mais les temps et les hommes ont changés, et l’engouement national n’est plus aussi fort. L’association des parcs forestiers est dissoute en 1922, et c’est l’administration des Eaux et Forêts qui récupère le parc, considéré comme une coquille vide avec des terrains incultes et inexploitables. Bien que ne sachant pas trop commet gérer cette nouvelle chose dont ils ont hérités, les forestiers ne restent pas inactifs. Ils essayent de donner un contenu au parc mais se heurtent à une série de limites juridiques, financières et humaines. Il faut attendre 1923 et la volonté des forestiers pour voir s’accroître l’emprise territoriale du parc, avec l’achat de 6000 hectares sur la commune du Pelvoux. L’année suivante, c’est près de 3000 hectares qui sont acquis dans le Valgaudemar.

Parc national du Pelvoux 1924A la fin des années 1930, le parc couvre une superficie d’environ 13000 hectares, et s’appelle désormais parc national du Pelvoux. Côté surveillance, introduction d’espèces végétales ou animales, peu de choses à noter sur cette période sans doute par manque de moyen. C’est dans le domaine de l’aménagement que l’action du parc est la plus visible. Aménagement de sentiers, construction de refuges, construction de la route jusqu’à la Bérarde, opération débutée en 1912 mais stoppé par la guerre et qui se terminera en 1927 ; et enfin la route d’Ailefroide au pré de Madame Carle en 1937 et 1938. En 1933, on parle d’un projet d’aménagement de téléphérique allant de la Grave au sommet de la Meije, projet qui va mobiliser l’opinion et raviver la nécessité de protection de la nature. Ce projet sera abandonné et il permettra de classer la Meije et d’autres sites, le lac du Lauvitel, le village de la Bérarde, le plan du Carrelet et cinq refuges en zone protégée.

Puis arrive la seconde guerre mondiale, et de nouveau le parc reste en sommeil. La période 1945 à 1960 est pour le parc national du Pelvoux celle du doute et du déclin. Les institutions centrales semblent se désintéresser de cette zone, et aucune politique de gestion cohérente de l’ensemble ne se dessine. Encore une fois, le parc vivote notamment grâce aux forestiers. Fin 1962, le parc a même perdu son statut de parc national, on utilise officiellement le terme parc domanial du Pelvoux. Depuis 1957, les regards et les intérêts se portent sur la création du parc national de la Vanoise, qui mobilise toutes les attentions, parc qui voit le jour en 1963.

Cette même année, le CAF publie un article qui relance le projet du parc du Haut Dauphiné. A l’époque, c’est le début de l’âge d’or de l’aménagement du territoire. La France est en pleine mutation économique et démographique, et les Alpes connaissent une véritable explosion touristique. On découvre l’importance des sports de nature. Tous ces éléments constituent un contexte très favorable à la relance du projet, mais les administrations concernées sont cette fois absorbées par la création du parc national des Pyrénées.

On reparle du parc en 1969, de nouveau grâce au CAF, qui publie un nouvel article pour la création du parc national des Ecrins, et cette fois le pouvoir public semble s’y intéresser. L’idée fait son chemin et en 1970, un rapport favorable est soumis aux institutions en même temps que le projet du parc national du Mercantour. Trois années sont encore nécessaires pour consulter, négocier, redéfinir les limites et enfin aboutir le 27 mars 1973 à la création officielle du parc national des Ecrins. C’est le cinquième parc national.

Soixante ans après le parc national de la Bérarde, le parc national des Ecrins est enfin crée. Commence alors une nouvelle aventure …

Parc national des Ecrins 2010Aujourd’hui, le territoire du parc national des Ecrins (91800 hectares), s’étend entre les villes de Gap, Briançon et Grenoble. Il est délimité par les vallées de la Romanche, la Guisane, la Durance et le Drac. Six grandes vallées structurent le massif : Le Vénéon, la Vallouise, le Champsaur, le Valgaudemar et le Valbonnais.

Il compte une centaine de sommets à plus de 3 000 mètres et une quarantaine de glaciers (couvrant environ 17 000 hectares).Il possède plus de 700 km de sentiers entretenus et balisés, et une trentaine de refuges de montagnes. Deux sommets dépassent les 4000m (Barre des Ecrins (4102m) et Dôme de neige des Ecrins (4015m)), et quatre les 3900m (Meije 3983m, Ailefroide 3954m, Pelvoux 3946m, Pic sans nom 3913m). Le Parc possède aussi un grand nombre de lacs spectaculaires dont le Lauvitel, qui est une réserve intégrale, et affiche une profondeur de 60m pour 30 hectares de superficie.

Plus de 270 espèces animales (210 espèces d’oiseaux, dont 40 couples d’aigles royaux ; 64 espèces de mammifères, dont 15000 chamois et 600 bouquetins) et plus de 1800 espèces de fleurs, plantes (dont 216 répertoriées comme rares ou menacées et 35 endémiques) vivent dans ce massif.

Mais ce parc national des Ecrins, reste dans le cœur de beaucoup d’entre nous l’Oisans sauvage. Il renferme encore de profondes vallées sans refuge, des sommets isolés sans parasite sonore ou visuel de la civilisation, de longues marches propices à pénétrer cette nature, pour peu qu’on s’éloigne des sentiers battus …

Sources :
Chronique d’un parc oublié de JP. Zuanon
http://www.ecrins-parcnational.fr