Archives de catégorie : Histoire

Du parc national de la Bérarde au parc national des Ecrins

Les cotations d’escalade

Des tentatives de cotation pour évaluer les difficultés d’escalade apparaissent dès le début du XXe siècle avec le développement de l’Alpinisme et la rédaction de topos. En 1925 l’alpiniste Allemand Willo Welzenbach introduit une échelle de six degrés de difficulté, le premier degré étant celui où apparaît la nécessité d’utiliser les mains, et le sixième la limite des possibilités humaines.
Après quelques adaptations, cette échelle est entérinée en 1935 par les autorités Alpines. Elle est appliquée de façon systématique dans les topos d’ascensions, notamment celui du guide Vallot sur le massif du Mont-Blanc édité en 1946. Cette même année, il est proposé d’ouvrir cette échelle au-delà du sixième degré, en rajoutant une lettre, 6a, 6b, 6c.
La fin des années 1970 voit l’apparition du septième degré. Il en sera de même la décennie suivante avec le huitième et neuvième degré. En France, le premier 7a a été réalisé en 1970, le premier 8a en 1983 et le premier 9a en 1991. En 2015, la cotation (confirmée) la plus difficile est 9b+.
Les cotations en rocher

Niveau maxi de difficultés actuelles
En falaise/école, c’est la voie « La Dura Dura » (Espagne) qui côte 9b+, longueur 50m.

En falaise/montagne, c’est la voie « Mescalito » (USA) qui comporte 32 longueurs pour 900 m d’escalade, dont 3 dans le neuvième degré.

A qui attribuer la première ascension des Ecrins ?

IMG1EcrinA qui attribuer cette première? A Whymper le 25 juin 1864 ou à Meusnier durant l’été 1853? Des chercheurs mettent en lumière des ascensions oubliées, réalisées bien avant les « premières » entrées dans l’histoire de l’alpinisme.

La carte générale de France, plus connue sous le nom de carte de l’état-major, est un immense chantier réalisé par des officiers géographes, puis des officiers de l’état-major, entre 1818 et la fin des années 1860. Ils commencent par trianguler les méridiens et les parallèles, puis ils remplissent les blancs de ce canevas par des triangulations plus fines. Le capitaine Durand (voir article sous l’onglet « Edito ») a participé à ces travaux. Dans un courrier rédigé à Vallouise, fin juillet 1828, il écrit qu’il a terminé sa reconnaissance entamée 10 jours auparavant, et qu’il va installer son signal au Pelvoux. En 1830, depuis le sommet du Pelvoux, il procède à ces mesures. En Ubaye, c’est le grand Rubren qui est ascensionné par le capitaine Loreille, en 1823. Puis vient la dernière étape de cette triangulation. Elle consiste à prendre des mesures à l’intérieur des triangles précédents pour affiner le maillage. Dans les Hautes-Alpes, elle a lieu entre 1851 et 1853. C’est le capitaine Davout qui en est chargé. A cette occasion, il réalise la deuxième ascension connue de l’Aiguille Centrale d’Arves et, très probablement celle du Bonvoisin. Pour les derniers travaux de triangulation et de cartographie, de jeunes officiers sont envoyés dans le massif durant l’été 1853 : le lieutenant Meusnier, les capitaines Cousinard, Courier, Bourgeois, … Chacun à un secteur à couvrir pendant trois ou quatre mois. Le lieutenant Meusnier, chargé des vallées centrales du massif, est accompagné d’un guide et d’un muletier. Durant cette campagne, une vingtaine de sommets majeurs sont gravis : les Ecrins, l’Ailefroide, Neige Cordier, les Agneaux, le Sirac, les Rouies, le Jandri, …

Pourquoi tous ces travaux et découvertes ont été oubliés des différentes publications qui sont arrivées jusqu’à nous ? Pour la carte de Bourcet, la raison est simple et logique. Il avait ordre de dresser une carte afin de pouvoir contrer les assauts dans le cadre de la guerre des Alpes. Il s’agissait de facto d’un secret militaire, et il a été bien gardé. Pour la carte de l’état-major, c’est plus complexe. La carte était diffusée, rien n’était secret. Il semble d’ailleurs qu’au moins un des premiers alpinistes anglais de l’Alpine Club, Francis Fox Tuckett, savait que de nombreux sommets avaient été gravis par les officiers de l’état-major. Dans un de ses articles sur le Haut-Dauphiné paru en 1863 dans le journal de l’Alpine Club, il écrit : « MM. Bourgeois, Courier, Cousinard et Meusnier ont escaladé un grand nombre de très hauts sommets ». Et il poursuit que de telles ascensions sont le gage d’une grande précision de la carte au 1/40 000e. Whymper, un des ses confrères de l’Alpine Club, en avait eu connaissance. Nulle part dans ses écrits, Whymper dit avoir effectué la première ascension de la Barre des Ecrins. Il semble que se sont d’autres alpinistes, un peu plus tard, qui ont qualifié cette ascension de première. En se focalisant sur leurs collègues anglais, ces premiers alpinistes auraient ainsi oublié qu’avant eux, au cœur des Hautes-Alpes, des officiers chargés de dresser des cartes précises et fiables, avaient accompli de véritables exploits sportifs et techniques, s’en jamais chercher à s’en prévaloir.

Source : Dauphiné Libéré

Le Mollard, cépage emblématique des Hautes-Alpes

Mollard1Parmi les 2600 variétés de raisins, seule une trentaine (Chardonnay, Pinot, Cabernet, Syrah, etc) sert à élaborer 99% des vins du monde entier. 99% des cépages existants ne sont pratiquement pas ou plus utilisés! Certains d’entre eux comme le Mollard font partis de ces cépages oubliés.
Le Mollard (littéralement « petite montagne ») est un cépage  très ancien dont les ampélographes situent l’origine dans les Hautes-Alpes. Cépage emblématique de la région, il a pourtant faillit disparaitre (arrachage) à la fin des années 1980 pour laisser la place à d’autres cépages plus  commerciaux  et lucratifs. Heureusement, un certain nombre d’agriculteurs on cependant su préserver quelques parcelles et remettre au gout du jour ce cépage très bien adapté à l’altitude et au terroir montagnard.
On le trouve aujourd’hui dans les vignobles de la haute vallée de la Durance, Gapençais et Embrunais. Il donne un vin frais, léger, agréable, d’une belle couleur grenat, peu alcoolisé, pouvant se conserver quelques années.

« Après bon vin, parole sincère »

Plus d’infos
http://www.vins-des-alpes-du-sud.fr/

Boscodon, son abbaye, sa forêt, sa fontaine et sa légende

L’abbaye
Boscodon_AbbayeFondée en 1142, l’abbaye de Boscodon, située à 1200 mètres d’altitude, a été bâtie par des moines grâce aux dons de Guillaume de Montmirail. Ces premiers moines vivaient de l’exploitation de la forêt du domaine et de l’élevage de moutons. Pendant la révolution française, l’abbaye et ses domaines deviennent propriété nationale. Un hameau se construit même autour de l’abbatiale, qui devient écurie, étable et logement. Au XXe siècle, les habitants quittent progressivement le hameau. La renaissance de l’abbaye débute en1972 grâce à l’implication de diverses congrégations religieuses et des laïcs. Aujourd’hui, L’abbaye est la propriété d’une association qui en assure la restauration et les animations. La communauté religieuse qui compte des femmes et des hommes de plusieurs congrégations propose des célébrations, des concerts, des conférences, …
La forêt
BoscodonAu-dessus de l’abbaye s’étend la forêt domaniale de Boscodon. Cette forêt a la particularité d’être composée en majorité de sapins, alors que la plupart des bois et forêts environnants sont composés essentiellement de pins et de mélèzes. Cette forêt, gérée par l’ONF, est particulièrement bien aménagée pour la promenade, détente, randonnée, … La route forestière carrossable de la fontaine de l’ours, qui serpente au-delà de l’abbaye, comporte plusieurs panneaux d’information sur le site, des panneaux descriptifs des espèces de la végétation locale, un balisage soigneux des sentiers avoisinants, de nombreuses aires de détente et deux belvédères aménagés sur des points de vue remarquables.
La fontaine de l’ours
Boscodon_OursLa route forestière monte à travers la forêt domaniale sur 5 kilomètres depuis l’abbaye, et aboutit à une esplanade nommée « Fontaine de l’ours », à 1 560 mètres d’altitude. Ce lieu doit son nom à une sorte de grotte aménagée autour d’une source, c’est une construction voûtée faite de pierres assemblées sans ciment, à la manière des bories provençales. La grotte est fermée par une grille, mais la source est parfaitement visible. L’eau y est captée et conduite à une véritable fontaine installée plus bas, et dont le bec verseur en bois a la forme d’une tête d’animal. Autour de la fontaine de l’ours est aménagé un espace de détente. On y a une vue plongeante sur le site de la ville d’Embrun. C’est aussi le point d’arrivée ou de départ de nombreux sentiers de promenade dans la forêt, plusieurs sentiers balisés y montent depuis l’abbaye, et d’autres en partent vers les crêtes et sommets. Le nom de « fontaine de l’ours » a son origine dans une légende locale.
La légende
Boscodon_Légende_OursEn l’an huit cent et quelques, monseigneur Arey, évêque de Gap décide d’aller présenter ses pieuses salutations à sa sainteté le pape à Rome. Il entreprend le voyage, mettant presque deux mois pour arriver à la ville éternelle ! Au retour, le voyage est encore plus long car il décide de revenir par le col du Montgenèvre et la source de la Durance afin de se reposer quelques jours chez son ami l’évêque d’Embrun. Ses bœufs bien reposés, lui-même ragaillardi par le bon air de l’Embrunais, il reprend son modeste char et se met en route vers son diocèse Gapençais. Tout à coup, alors qu’il franchit le torrent de Boscodon sur un petit pont branlant, un ours énorme sortant du bois se jette sur ses bœufs et en dévore un. Monseigneur Arey, nullement intimidé, ordonna à l’ours de remplacer le bœuf. “Touché par la grâce”, il prit docilement le joug. C’est sur cet équipage que monseigneur Arey est arrivé dans sa bonne ville de Gap. Quant à l’ours, bien traité et bien nourri dans l’écurie de l’évêché, il était mieux là qu’à courir les bois pour essayer de trouver sa nourriture. Au début, les Gapençais, craintifs, s’éloignaient quand ils voyaient dans les rues l’évêque qui se promenait, tenant en laisse l’énorme animal, comme si c’était un chien. Et puis les jours ont passé, les mois, les années même et tout le monde s’est habitué. L’ours était devenu un familier du bon peuple de Gap, qui lui offrit une chaîne faite d’or et d’argent. Puis vint le jour où monseigneur Arey, qui était déjà bien vieux, est mort. Lors de son enterrement, l’ours suivait tristement la procession en gémissant. Quand le tombeau s’est refermé sur son maître, l’ours est parti et plus jamais personne n’a entendu parler de lui. Quelques siècles plus tard, le long du torrent de Boscodon, au dessus d’Embrun, s’est édifié l’abbaye de Boscodon et des moines sont venus s’installer. Un jour, quelques moines qui recherchaient des plantes médicinales au dessus du monastère, ont trouvé un endroit curieux qui semblait avoir été fréquenté jadis. Il y avait là une source clair et, pas très loin, une sorte de grotte. Ils y pénètrent et là ils trouvent le squelette d’un énorme animal, un ours selon toute apparence et ce qui les étonne le plus, c’est que l’animal porte autour du cou une chaîne d’or et d’argent. Il lui fut donné une sépulture, mais ils perdirent la chaîne en chemin. Depuis le fantôme vivant de “Messire Brun”, lourde silhouette, déambule dans les profondeurs de la forêt de Boscodon à la recherche de sa chaîne.

Sources
https://fr.wikipedia.org/wiki/Boscodon
http://www.basecommunale.paca.developpement-durable.gouv.fr/pdf/fiches/sites_classes/93C05019.pdf

Loup, y es-tu ?

Carte-LoupEn France, l’espèce avait disparu dans les années 1930. Depuis les années 1990, il revient suite à une recolonisation par étape de l’Italie depuis le massif des Abruzzes. Aujourd’hui, la France compterait plus de 300 individus. Le taux de croissance de l’espèce, de l’ordre de 16% par an, a comme conséquence la colonisation de nouveaux territoires. En 2015, on dénombre 42 zones ou sa présence est permanente.
Depuis 1993, les loups sont une espèce protégée et leur régulation est strictement encadrée par l’état. Le plan d’encadrement prévoit que 24 loups peuvent être tués chaque année. Ces tirs doivent être menés par des agents de l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage), assistés de lieutenants de louveterie, et avoir lieu seulement si les tirs d’effarouchement et de défense ont échoué. Pour la période 2014-2015, dix-neuf loups ont été tués.
LoupDans la zone Ecrins et périphérie, on estime la population à une trentaine d’individus avec une présence avérée dans le massif du Béal-Traversier. Depuis 4 hivers, des indices de sa présence sont aussi trouvés entre l’Argentière-la-Bessée et Châteauroux-les-Alpes. Par contre, le secteur géographique autour de Vallouise, vient d’être retiré de la liste des ZPP (Zones de Présence Permanente) du loup en France. C’est le seul endroit en France où la présence du loup était encore avérée en 2014, et ne l’est plus cette année !
Les nombreuses attaques de troupeaux relevées durant l’été 2015 sur les Hautes-Alpes, ont fortement mobilisé les éleveurs qui ont obtenu gain de cause auprès du préfet. Le nombre de loups susceptible d’être tués a été porté de six à huit. Le territoire sur lequel ils peuvent être prélevés est notamment étendu au Briançonnais, Guillestrois et Queyras. Les éleveurs touchés par ces attaques n’ont pas sollicité de tirs de défense, préalable obligatoire à des tirs de prélèvement. Le loup peut désormais être chassé dans 38 communes des Hautes-Alpes. Le parc national des Ecrins en est exclu.

Sources:
http://www.observatoireduloup.fr/index.html
http://www.lemedia05.com/2014/9725/300-loups-en-france-mais-combien-dans-les-hautes-alpes/
http://www.dici.fr/actu/2015/08/28/hautes-alpes-secteur-ecrins-vallouise-retire-de-liste-zpp-zones-de-presence-permanente-loup-636233

Petite histoire de gogol

gogolC’est pour éveiller la curiosité des enfants pour les mathématiques qu’un jour, vers les années 1930, lors d’une visite dans une école, un mathématicien inscrivit sur le tableau noir le chiffre 1 suivi suivi de 100 zéros (10100). Il demanda à la classe de donner un nom à ce chiffre est un élève proposa « googol » (« gogol » en Français).

Bien des années plus tard, en 1997, quand les fondateurs de la firme Google ont voulu choisir un nom pour leur entreprise, ils ont pensé à googol, nombre qui évoque la quantité quasi infinie d’informations qui se trouvent sur la toile. Mais ils ont mal épelé googol, qui est devenu google, d’où le nom de la célébre compagnie.

Quant à ce mathématicien, il a aussi inventé le googolplex, qui est un nombre infiniment plus grand que le googol. Il est égal à 10googol (10 puissance googol). Pour vous donner une idée, songez que si vous alignez après le chiffre 1 un zéro tous les demi-centimètres, la longueur pour écrire ce nombre googolplex serait supérieure au rayon de l’univers observable soit plus de 47 millards d’années-lumière !

Gogolplex, c’est aussi le nom d’une voie d’escalade à St Crépin …

La Meije ou le pic inaccessible

MeijeNordLa Meije est composée de trois principaux sommets. Le point culminant est le Grand Pic de la Meije (3984 mètres), le Doigt de Dieu ou Pic Central (3973 mètres) et la Meije Orientale (3891 mètres). Dans l’histoire de l’alpinisme, La Meije occupe une place particulière car ce fut un des derniers sommets majeurs des Alpes à être gravi, et la première ascension fut réalisée par un français alors que la plupart des autres grandes premières dans les Alpes furent réalisées par des alpinistes britanniques. Elle occupe ainsi une place de choix dans l’imaginaire des Alpinistes, on l’appelle parfois « La Reine Meije ».
Depuis 1832, et les mesures géodésiques du Capitaine Durand, on connaissait l’altitude exacte de ce sommet qui affichait 3984,6 mètres. C’est donc après la Barre et le Dôme de neige des Ecrins, le troisième sommet le plut haut du massif.
Le 22 juin 1864, un groupe de 5 alpinistes (Whymper, Moore, Walker, Croz, Almer) arrivant de Chamonix par le col de Martignare ont tout loisir d’admirer, durant la descente sur La Grave, la face nord de la Meije. Après une courte nuit passé à La Grave, il traverse pour la première fois la Brèche de la Meije et s’en vont faire trois jours plus tard la première ascension de la Barre des Ecrins. Lors de cette traversée, ils ont pu contempler cette Meije aussi bien par son versant nord que sud, imaginé un passage vers le sommet, mais ces parois de près de 1000 mètres de haut ont sans doute effrayé ces hommes pourtant considérés comme les meilleurs alpinistes de l’époque. Whymper déclarera d’ailleurs que ces murailles protège la Meije de toute tentative d’escalade et la rend inaccessible.
MeijeArêtesSix ans plus tard, c’est une femme (Miss Brevoort) qui va relancer l’idée de conquête. Elle parviendra à réaliser le 27 juin 1870, la première ascension du Pic Central (3973m) mais ne parviendra pas à traverser l’arête qui la sépare du Pic de la Meije. Arête que l’on peu comparer à une lame au fil acéré, comportant 4 dents alignés, dont chaque côté est un abime plus que vertigineux ; à pic rocheux côté sud et mur de glace d’une effroyable raideur côté nord. Deux ans plus, elle traversera la Brèche de la Meije et fera une tentative côté sud qui restera sans succès.
En 1873, c’est de nouveau un groupe de touriste anglais qui, sur les pas de Miss Brevoort, va tenter l’ascension par le nord. Comme Miss Brevoort, ils vont atteindre le Pic Central (seconde ascension) mais l’arête qui les sépare du Pic de la Meije leur semble impraticable et les impressionne eux aussi très fortement. Durant les trois années suivantes, cette Meije va encore résister aux assauts d’alpinistes de tous bords, anglais, suisses, italiens, français, …. A cette époque, la majorité des sommets Alpins est conquis et la résistance de ce sommet que l’on va parfois nommer « Cervin Dauphinois » va contribuer à sa notoriété mais aussi à sa perte car il va focaliser le désir des alpinistes de le conquérir.
MeijeSudC’est en septembre 1876 que H. Duhamel pense avoir trouver le point faible côté sud, il va escalader avec ses guides le promontoire qui donne un accès direct au Pic de la Meije, et vont renoncer sous un mur d’une dizaine de mètres, situé juste sous le glacier carré, qu’ils estiment infranchissable.
C’est un autre français, E. Boileau de Castelnau qui va suivre les traces de H. Duhamel. Le 4 août 1877, Boileau de Castelnau accompagné de Pierre Gaspard et son fils, suivent l’itinéraire de Duhamel et parviennent à franchir le mur jugé infranchissable par ce dernier. Mais compte tenu de l’heure tardive, ils ne peuvent poursuivre et regagne la Bérarde avec le sentiment que cette Meije est à leur portée. Boileau de Castelnau en fera part à Duhamel et lui demandera de participer à l’assaut final, mais ce dernier déclinera l’invitation, restant sans doute sur son idée d’inaccessibilité par cette voie.
Cette même cordée va donc repartir le 16 août 1877 et réussir l’exploit formidable de vaincre ce grand Pic de la Meije.


BoileauCette ascension a été contée par Boileau de Castelnau et publiée dans la revue du CAF (Club Alpin Français) de 1878 : « Encouragé par la persistance du beau temps et par l’état exceptionnellement bon de la neige au mois d’août 1877, je résolus de consacrer une quinzaine de jours à tenter l’ascension de la Meije.
La Meije avait repoussé depuis bien des années les assauts qui ne cessaient de lui être livrés. J’avais moi-même en 1875, été obligé, avec mon ami Duhamel, de battre en retraite après plusieurs tentatives infructueuses par le versant nord. Je n’avais toutefois pas encore perdu tout espoir d’atteindre le sommet. Le côté ouest (celui de la Brèche) et le côté nord (celui de la grave) devaient, à mon avis, être les plus abordables.
J’avais à mon service mes deux guides préférés, Gaspard père et fils, avec lesquels j’avais pendant les dernières années parcouru tout le massif du Pelvoux et fait un nombre considérable de courses nouvelles. Nous nous connaissions assez pour savoir ce dont chacun de nous était capable, et nous avions, ce qui est une des meilleures conditions du succès, une confiance réciproque en nous. J’étais en outre bien décidé à ne renoncer à ma tentative que lorsque j’aurais été convaincu par moi-même de l’impossibilité absolue de passer le point où je me verrais forcé de reculer.
Parti le 3 août de Saint-Christophe je remontai avec Gaspard père la vallée de la Selle ; nous traversâmes, au sud de la Tête-du-Replat, un nouveau col d’où nous descendîmes directement sur le Châtelleret au pied même de la Meije, à 2h1/2 au-dessus de la Bérarde (baromètre 2220 mètres). Le fils Gaspard, que j’avais envoyé par la vallée de la Bérarde chercher des vivres pour le lendemain, avait déjà fortifié la place en l’approvisionnant de comestibles variés. Nous devions passer la nuit à la belle étoile à l’abri de ce rocher, partir le lendemain matin avant le jour pour la Brèche, tenter la Meije de ce côté et descendre à la Grave.
Le lendemain 4 août, à 4 heures du matin, nous étions en route. A une faible distance du glacier, je priai Gaspard de me montrer le point qu’avait atteint M. Duhamel sur les rochers à pic et le chemin qu’il avait suivi. Trompé par la ressemblance des parois, il me désigna un point plus élevé et un peu plus à gauche que celui où mon ami était parvenu. Une hardiesse peut-être exagérée, une certaine confiance en moi-même, et l’entêtement qui me poussait en avant malgré ma conviction qu’il était dans l’erreur, me firent parier que j’atteindrais le petit glacier supérieur (glacier du Doigt), si M. Duhamel était vraiment arrivé au point qui m’était montré. Gaspard refusa d’abord de m’y conduire ; il n’était pas lui-même monté tout à fait jusqu’à ce point, me disait-il, et certes les guides de Chamonix qui accompagnaient M. Duhamel n’auraient pas rebroussé chemin s’ils avaient eu quelque espoir de se hisser jusqu’au glacier du Doigt. Après une longue discussion, je le décidai cependant à m’accompagner en lui promettant de ne pas tenter l’ascension de la Meije, et de n’essayer de gravir cette partie trop abrupte que pour examiner la montagne de plus près et vérifier par moi-même quel point avait atteint M. Duhamel.
Quand nous eûmes remonté la moitié environ du glacier des Etançons, nous laissâmes à notre gauche la route de la Brèche et nous arrivâmes bientôt au pied des premiers rochers de la Meije. Abandonnant en cet endroit appelé l’Epaule (baromètre 3075 mètres) la plus grande partie de nos provisions, après, bien entendu, les avoir fortement entamées, nous nous remettons en route à 9h50 min., suivant à peu près l’itinéraire de M. Duhamel. Les rochers sont escarpés, mais ils offrent des saillies nombreuses qui nous permettent d’avancer assez rapidement. C’est un granit rouge très résistant.
A 11h45 min., nous atteignons la pyramide construite par mon ami l’année précédente et qui nous indique le point où il a dû battre en retraite. Gaspard s’était trompé ; le point qu’il m’avait indiqué était plus élevé et inaccessible (baromètre 3460 mètres). En cherchant un peu, Gaspard trouve vers notre gauche une issue qui nous permet de nous élever encore d’une dizaine de mètres; puis nous sommes entièrement arrêtés. Le rocher change tout à fait de nature ; le granit fait place à un schiste plus ou moins pur qui est lisse et sur lequel les clous des chaussures n’ont aucune prise. Une paroi verticale de rochers, qui surplombe même à certains endroits, nous sépare du glacier du Doigt. La distance est d’environ 150 mètres. Après un examen attentif, nous reconnaissons que, si nous parvenons à franchir les 20 premiers mètres, le reste de la paroi sera relativement plus aisé à gravir. Gaspard, malgré sa hardiesse, refuse de tenter cette périlleuse escalade : il l’a dit impossible, et déclare qu’il ne s’y hasardera pas.
J’étais très étonné de son refus, mais je connaissais son expérience. Il était midi 50 minutes, la journée s’avançait et Gaspard paraissait décider à reculer devant cette difficuté en apparence insurmontable ; pour moi, je ne voulais pas revenir sur mes pas sans avoir fait tout ce qu’il était possible de faire pour atteindre un point plus élevé.
« Je vais essayer seul, » dis-je à Gaspard ! il s’efforça d’abord de me retenir ; puis voyant que je ne cédais pas à ses raisonnements : « Eh bien ! s’écria-t-il brusquement, vous ne vous casserez pas la tête seul ; puisque c’est votre intention, je ne vous quitterai pas ! » Pour être plus solide que cette roche glissante, nous ôtons nos souliers que nous abandonnons sur une pierre. « Nous monterons, puisque vous le voulez, mais nous ne descendrons plus, » ajoute Gaspard, en attaquant avec ardeur la paroi verticale.
Après plusieurs essais infructueux, nous finissons par hisser Gaspard sur un point où il ne peut nous prêter quelque secours pour nous aider à le rejoindre. Nous gravissons ainsi les 20 premiers mètres de la muraille, ceux précisément que nous avions crus infranchissables. Gaspard, pour ne pas perdre de temps, va seul en avant explorer la partie la plus accessible de cette terrible paroi. Il revient bientôt avec la certitude que nous avons franchi le plus mauvais passage pour atteindre le glacier du Doigt. Mais il était trop tard et nous n’étions pas organisés pour songer à monter plus haut. Le baromètre indiquait une hauteur de 3485 mètres. La descente de cette muraille si difficile à gravir se fit, malgré les appréhensions de Gaspard, très aisément au moyen d’une corde que nous scellâmes au-dessus de nous et à laquelle nous nous laissâmes glisser. Cette corde d’une dizaine de mètres environ, fut abandonnée de manière à rendre le passage plus praticable lorsque nous reviendrions tenter définitivement l’ascension.
Nous reprîmes nos chaussures avec satisfaction, après une séparation d’environ 50 minutes qui nous avait occasionné des blessures assez douloureuses aux pieds, puis nous redescendîmes à la Bérarde par la route que nous avions suivie à la montée. Nous n’avions jamais eu plus d’espoir de réussir dans notre tentative. Tous les alpinistes qui avaient examiné la montagne du côté des Etançons s’étaient accordés à penser qu’elle serait vaincue le jour où on aurait atteint le glacier du Doigt. Or, à moins de difficultés tout à fait imprévues, nous étions désormais presque certain de pouvoir atteindre ce petit glacier ; quant à la dernière partie de l’ascension, que nous avions examiné soigneusement avec notre lunette, elle ne nous paraissait pas aussi facile qu’on l’avait généralement pensé.
Notre intention était de nous reposer le lendemain et de livrer le surlendemain un assaut décisif à notre ennemie par la route que nous venions de découvrir. Cependant, redoutant un échec, nous nous gardâmes bien de rien dire à la Bérarde de nos projets et des résultats de cette première journée.
Le temps nous fut malheureusement bien peu propice les jours suivants. Deux fois nous allâmes coucher au Châtelleret et deux fois la tourmente nous en chassa. En outre, une indisposition me força à quitter la Bérarde pour retourner à Grenoble où le congrès du club alpin réunissait alors une foule considérable d’alpinistes. J’y tins mes projets secrets et je ne confiai mes espérances qu’à deux ou trois de mes amis, qui d’ailleurs eurent plutôt l’air de croire à une exaltation passagère de mon esprit qu’à l’accessibilité de la Meije.
Le 14 août, je me trouvais assez bien portant pour pouvoir, par une pluie battante, me rendre au Bourg-d’Oisans. Le 15, je me fis conduire en voiture à Vénosc, d’où je repartis aussitôt pour Saint-Christophe, Gaspard et son fils m’attendaient tous les jours avec impatience. Nous perdîmes trop de temps en préparatifs, aussi n’arrivâmes nous que de nuit à la Bérarde.
Désireux de nous décharger et craignant d’être arrêtés par quelque éperon de rochers qui nous obligeât à laisser l’un de nous en arrière pour nous tenir une corde, nous jugeâmes prudent d’engager un troisième guide. Notre choix tomba sur Jean-Baptiste Rodier, qui fut bientôt prêt à nous accompagner.
A 11 heures du soir, après avoir complété nos provisions, nous nous mettons tous quatre en marche. La nuit est noire et ce n’est pas sans nous être égarés plusieurs fois que, vers 2 heures du matin, nous arrivons, à la lueur de notre lanterne, au Châtelleret. Nous étions très chargés, car outre une grande quantité de vivre, nous emportions 100 mètres de corde.
Il était encore trop tôt pour continuer notre marche. Nous nous étendîmes autours d’un bon feu ; mes guides firent chauffer un de ces café que je n’apprécie pas beaucoup, car le solide y laisse trop peu de place au liquide.
A 4 heures 20 minutes, aux premières lueurs de l’aube, nous nous remettons en marche. A 7 heures 30 minutes, nous arrivons à l’Epaule de la Meije. Nous nous reposons 30 minutes après avoir traversé sans difficulté le glacier des Etançons. Attachés jusqu’alors à 4 mètres les uns des autres, nous doublons cette distance pour nous donner une plus grande liberté. D’ailleurs nous réduisons nos bagages à un seul sac et nous montons assez rapidement en suivant la route que nous avons déjà parcourue lors de notre première tentative.
A 9 heures 15 minutes, nous atteignons la pyramide de M. Duhamel, où nous nous arrêtons pour déjeuner. A 9 heures 25 minutes, nous reprenons l’ascension. La corde que nous avions dû abandonner nous permet de gravir plus facilement le passage que nous avions trouvé si dangereux. Le reste de la muraille nous offre pourtant d’assez sérieuses difficultés. Tous rendus solidaires par la corde qui nous attache, nous ne pouvons avancer que l’un après l’autre afin de ne pas nous trouver plusieurs à la fois dans une mauvaise position ; nous devons, en outre, perdre un temps considérable à hisser au moyen d’une petite corde les piolets qu’il nous faut à chaque instant détacher pour nous en servir.
Nous avancions avec une lenteur désespérante ; il fallait multiplier les précautions, car la paroi était toujours aussi verticale. A chaque instant, nous nous voyions forcés de revenir sur nos pas après nous être engagés dans un couloir dont nous ne pouvions plus sortir ; notre moral commencer à s’affecter. Il m’est impossible de décrire en détail les difficultés que nous eûmes à surmonter et la route que nous suivîmes pour escalader cette muraille haute de 150 mètres. Je constaterai seulement que, sans nous accorder une seule minute de repos, nous employâmes 2 heures 45 minutes pour parvenir au sommet, et pour atteindre le glacier du Doigt. Nous dûmes d’abord laisser ce glacier à notre droite afin d’en rejoindre la crête terminale à l’ouest. De cette crête, nous aperçûmes les champs et les maisons de la Grave. Pour gagner ensuite le glacier, il nous fallut rétrograder de quelques pas et nous laisser couler jusqu’au névé, où nous nous arrêtâmes 40 minutes pour déjeuner. Jean-Baptiste Rodier, le guide de la Bérarde, avait été jusqu’à ce point la principale cause de notre retard. Peu habitué à escalader des rochers aussi abrupts, il était non seulement hors d’état de nous prêter aucun secours, mais nous devions encore le hisser malgré lui en certains endroits où il ne pouvait nous suivre ; il augmentait ainsi les difficultés et le péril. Ne pouvant me passer de mon piolet pour la traversé du glacier, j’empruntai le sien à Rodier, qui ne continua pas l’ascension et qui dut attendre notre retour au point où nous l’abandonnâmes, à une altitude de 3620 mètres.
A midi 45 minutes, nous nous remettons en route tous trois, Gaspard, son fils et moi. Le glacier que nous allions traverser n’est nullement crevassé et présente une pente uniforme dans toute son étendue. Cette inclinaison, assez forte, il est vrai (45° environ), n’offrait pas un obstacle sérieux. Nous dûmes néanmoins tailler des marches pendant toute la traversé (45 minutes), avec un soin tout particulier vers la partie supérieure où nous rencontrâmes la glace vive. En arrivant à l’extrémité du glacier, nous nous trouvâmes au sommet d’un col d’où nous apercevions la vallée de la Grave vers la quelle descendait un couloir de glace vertical. Tournant alors à droite, nous gravissons sans difficulté et très rapidement les rochers du pic proprement dit de la Meije, en nous maintenant toujours sur le versant Sud de la montagne. Notre ennemie semblait vaincue lorsque, à une dizaine de mètres environ du sommet, un obstacle imprévu nous fit douter du succès. La montagne surplombait de tous les côtés. Nos efforts restent d’abord infructueux. Gaspard père tente le premier l’escalade ; il franchit trois ou quatre mètres. Arrivé à cette hauteur, il se trouve dans l’impossibilité d’avancer ou de retourner en arrière ; il nous crie de lui porter secours, ce que je parviens à faire en me hissant sur les épaules de son fils. J’arrivais à temps, car ses forces faiblissaient. J’essayais à mon tour, mais sans plus de succès : après moi, Gaspard fils parvint à atteindre un point plus élevé, mais il nous fit courir un si grand danger pour l’aider à redescendre que je voulus donner le signal de la retraite. Il s’était tellement épuisé en efforts qu’il était incapable à son retour de mouvoir aucun de ses membres et qu’il fondit en larmes, tant la concentration nerveuse avait était forte. Tous trois, pâles et tremblants, nous dûmes nous réconforter un instant. Le froid, assez vif, paralysait nos forces. Le temps s’était gâté depuis une heure. Les nuages, chassés par un vent violent qui risquait de nous faire dégringoler, nous enveloppaient à tous moments. Nous redescendîmes de quelques mètres, prêts à battre en retraite après être arrivés à 5 ou 6 mètres tout au plus du sommet, lorsque Gaspard, furieux de voir ses efforts impuissants, nous proposa de tourner le pic jusqu’à la face nord si cela était possible. Avec beaucoup de difficulté nous franchissons pour y arriver un très mauvais passage, mais cette fois le succès récompense notre persévérance et, à 3 heures 30 minutes, nous posons le pieds sur le sommet après avoir vainement tenté pendant 2 heures de gravir les derniers mètres. « Ce ne seront pas des guides étrangers qui arriveront les premiers, » s’écrie Gaspard dans l’exaltation du triomphe. Toutefois, ce qui lui fit le plus plaisir en atteignant le point culminant, ce fut d’y trouver des pierres pour y construire une pyramide. Durant l’ascension, il m’avait souvent exprimé ses craintes à ce sujet, me répétant toujours que l’on nierait, bien sûr, l’authenticité de notre course si le roc était nu.
Le sommet de la Meije, entièrement dépourvu de neige, forme une espèce d’arête très étroite dirigé de l’est à l’ouest. L’arête elle-même et la face nord sont en décomposition ; les rochers de la face sud reste au contraire très solides.
Pendant que Gaspard et son fils charriaient des pierres et construisaient au point culminant deux pyramides d’environ un mètre cinquante, je m’installai pour faire quelques observations à l’abri du vent, à deux ou trois mètres au-dessous d’eux, du côté de la Grave. Le thermomètre marquait deux degrés au-dessous de zéro. Le baromètre, correction faite, me donnait une altitude de 4000 mètres, ce qui ne différait que d’une dizaine de mètres avec la hauteur véritable. Les sommets voisins n’étaient pas visibles.
Le village de la Grave, situé au-dessous de nous, ne nous apparut que par moments, car les nuages nous entourèrent presque tout le temps que nous restâmes au sommet. Je pus pourtant, grâce à ma lunette, distinguer des membres du Club Alpin Français, qui se promenaient devant l’hôtel Juge.
C’était beaucoup d’être parvenu au point culminant ; mais il nous fallait en descendre ; cette idée n’avait rien d’agréable ni de rassurant. A 3 heures 55 minutes, nous nous remîmes en marche.
Les difficulté se présentaient aussi nombreuses qu’effrayantes. Le passage le plus rapproché du pic était infranchissable : nous dûmes fixer une des cordes à une pointe de rocher, puis nous laisser glisser le long de cette corde jusqu’à un ressaut qui nous permit de prendre pied. Ce ressaut ne se rencontra qu’à vingt mètres plus bas ; il nous fallut donc nous résigner à couper notre corde et à en abandonner un premier fragment. Ce mauvais pas franchi, nous descendîmes sans trop de peine jusqu’au glacier du Doigt ; mais, après avoir traversé le glacier où nous retrouvâmes Jean-Baptiste Rodier, et regagné la crête qui sépare le versant de la Grave et celui des Etançons, les difficultés reparurent, la corde devint encore une fois nécessaire, et un nouveau morceau de vingt mètres dut être abandonné, on devine avec quels regrets.
La nuit s’approchait, et ces rochers verticaux, déjà presque impraticables le jour, devenaient de plus en plus dangereux dans l’obscurité. Nous parvînmes cependant encore à franchir, presque sans y voir, deux ou trois passage très difficiles ; mais, arrivés à quinze ou vingt mètres seulement au dessus de la pyramide de M. Duhamel, nous nous trouvâmes arrêtés sur une corniche sans pouvoir y trouver le moindre passage, et nous dûmes nous résoudre à demeurer jusqu’au lendemain matin sur cet étroit palier de rocher. Un bloc, convenablement équilibré par le père Gaspard, nous servit de parapet et, pelotonnés sur nous-mêmes pour mieux résister au froid, nous nous préparâmes à une longue et terrible nuit.
De peur de nous voir enlever par le vent, nous reserrâmes la corde à laquelle nous étions attachés tous les quatre. Nous en passâmes une nouvelle autour de nos reins à l’aide d’un nœud coulant, de manière à nous enlacer. L’extrémité de cette corde fut scellée au moyen de nos piolets dans les rochers à quelques mètres plus haut. Ainsi suspendus dans un étroit espace où ne pouvions ni nous asseoir ni rester debout, nous attendîmes le jour, incapables de nous mouvoir, tant la place que nous occupions était limitée, nous eûmes à supporter un froid intense : la neige et le grêle qui ne tardèrent pas à tomber par rafales causèrent à nos membres engourdis de vives douleurs.
Vers 10 heures, un phénomène assez curieux de congélation se produisit sur nos vêtements : la neige, en tombant, fondait à la chaleur de notre corps, puis la température extérieure la transformait en glace ; ainsi nous était-il impossible de remuer les bras. Cette glace s’incrustait tellement dans nos habits que nous essayâmes en vain de nous en débarrasser avec nos couteaux. Bien entendu, aucun de nous ne songea à fermer l’œil durant toute la nuit. Gaspard ne me lâcha pas une minute ; nous restâmes enlacés à bras le corps ou à genoux tant que dura cette tempête. La solidité de la corde qui nous retenait été douteuse, et nous savions qu’au-dessous de nous s’ouvrait un vide profond de cinq cents ou six cents mètres. Du reste, aucun murmure ne sortit de nos lèvres : de temps à autre, une voie demandé l’heure ; à cette question personne ne pouvait répondre ; ou bien l’un de nous priait ces compagnons de le tenir à la corde pendant qu’il changeait de position, parce qu’il souffrait trop d’une crampe dans les jambes. Rien ne pouvait nous aider à supporter le vent et le froid. Nos provisions étaient depuis longtemps achevées ; notre dernière goutte d’eau-de-vie avait été équitablement partagée au commencement de la nuit. Gaspard fils voulut fumer, mais il se vit dans l’impossibilité de bourrer sa pipe, car ses mains lui refusaient tout service : mon thermomètre à minima, que j’avais fixé au commencement de la nuit un peu au-dessus de nous, me donna le matin une température de 11° au dessous de zéro.
Vers 2 heures, le temps devint moins affreux, le vent se calme et, après avoir attendu les premières lueurs du jour, Gaspard voulut, vers 4 heures du matin, continuer la descente. Ce premier effort fut très pénibles ; nous nous vîmes tous à peu près incapables de nous mouvoir et Gaspard nous donna l’ordre de nous accroupir de nouveau pour deux heures en nous serrant l’un contre l’autre. Nous nous frappions mutuellement pour tâcher de ramener la circulation dans nos membres à moitié gelés. Nous comptions sur le lever du soleil : ce fut la neige qui survînt.
A 6 heures, elle tombait en abondance et le vent soufflait en tourmente : il fallait partir et descendre à tout prix. Mais les rochers couverts de grêle et de verglas n’offraient aucune prise, et pour la troisième fois il nous fallut recourir à la corde pour atteindre la pyramide.
« Ce passage fut le dernier qui nous donna de l’ennui », écrivait Gaspard père dans le simple et modeste récit qu’il avait adressé à la Direction centrale dans la crainte que mes occupations militaires ne me permissent pas de raconter moi-même l’ascension. « Le reste de la descente fut facile. En passant devant la pierre de M. Duhamel, nous lui souhaitâmes un gros bonjour, et nous reprîmes la route habituelle. »
« Le temps ne s’améliorait pas. Toutefois, près des rochers, la vue de notre cher sac de voyage que nous y avions laissé la veille nous causa une vive émotion de joie. Nous descendîmes au pas de gymnastique jusqu’au Châtelleret et, arrivés à 9 heures à notre bel hôtel de la veille, nous fîmes un bon feu sous les rochers à l’abri de la pluie, et nous mangeâmes avec un terrible appétit . »
Gaspard-père_et_filsCe repas terminé, nous regagnâmes la Bérarde, par une pluie battante ; il était midi lorsque nous eûmes le bonheur d’y renter.
Exténué par la fatigue et la privation de sommeil, je n’eu rien de plus pressé que de me coucher immédiatement. On me laissa dormir seize heures de suite. Quand je me réveillai, je me trouvai encore insuffisamment reposé. Le lendemain 18 août, je traversai le col de la Temple pour rejoindre mes collègues qui inauguraient le Refuge Cézanne. »


Cette première ascension du Grand Pic de la Meije en 1877 a été une véritable épopée, sans doute quelque peu romancée dans le récit de M. Castelnau, mais il est indéniable que celle-ci a joué un rôle majeur dans l’histoire de l’alpinisme français.
Comme pour toute conquête, certains personnages sont mis en avant et d’autres sont éclipsés. C’est le cas pour le père Gaspard qui portera pour la postérité l’aura de cette ascension. Exit les Jean-Baptiste Rodier, abandonné sur le glacier Carré; le fils Gaspard, qui a pourtant eu le mérite de surmonter en tête de cordée les dernières défenses du Grand Pic; Emmanuel Boileau de Castelnau qui a aussi joué un rôle essentiel en motivant et stimulant les autres notamment lorsque Gaspard père a voulu faire demi-tour dans la première partie de l’ascension et qu’il s’est engagé seul. Plus d’un siècle après cette ascension, on associe encore aujourd’hui cette première au père Gaspard, ne dit on pas « Gaspard de la Meije » !
La traversée des arêtes sera réalisée 8 ans plus tard en 1885.

Sources
La Meije par Henry Isselin, édition Arthaud
Gaspard de la Meije par Roger Canac, édition Presses universitaires de Grenoble
http://chaps.canalblog.com/albums/gaspard/index.html

Génépi, le diamant jaune des Alpes

Le génépi est une plante secrète, mythique. Il s’épanouit en altitude sur des terrains difficiles d’accès. On le rencontre en équilibre dans une voie d’escalade, sur un à-pic rocheux ou camouflé dans un pierrier, une moraine, … Alors que sa sulfureuse cousine, l’absinthe, s’épanouit en plaine, cette Artemisia du nom de la déesse grecque de la chasse et de la fécondité, fleurit entre 2000 et 3500 mètres dans tout l’arc alpin, mais pas seulement : on en trouve aussi dans les Pyrénées, les Balkans, les Carpates, jusqu’en Syrie et en Sierra Nevada  voire dans les Andes et en Bolivie.
Le Génépi est un emblème fort des Alpes et sa liqueur, un véritable condensé d’imaginaire au pouvoir évocateur très puissant. Sa cueillette est très strictement réglementée.
L’apogée de la floraison se situe généralement début août, dans certaine vallée (Valbonnais), il est coutume de dire que la cueillette peut commencer dès que les blés courbent la tête. La cueillette ne doit jamais dépasser 100 brins par personne et doit se faire avec un couteau ou ciseau pour éviter l’arrachage.

On en compte principalement 3 espèces :
Génépi jauneLe génépi laineux (appelé aussi génépi mâle, bourru) : c’est le plus vigoureux, sa taille est comprise entre 5 et 20 cm et comporte de nombreux capitules (fleurs) sur tout le long de sa tige. Couvert d’une abondante pilosité blanche et soyeuse, il se rencontre uniquement sur les sols siliceux (granites, quartzites, micaschistes et gneiss) et est très odorant. On le trouve généralement entre 1300 m et 3700 m d’altitude.
Génépi noirLe génépi noir : relativement rare, c’est le plus recherché et le plus apprécié. Ses fleurs sont groupés en haut d’une tige assez courte et violacé, il a des feuilles supérieures non pétiolées (sans tige) et des écailles noirâtres sur le calice (cocon). Il exhale un parfum d’absinthe et se rencontre sur les rochers, les gravières et les moraines entre 2000m et 3400 m d’altitude.
Génépi glaciersLe génépi des glaciers : ses capitules d’un jaune franc terminent de courtes tiges émergeant d’une sorte de coussinet de feuilles assez compact. On en trouve plus particulièrement dans la partie orientale du département des Hautes-Alpes et en Vanoise, dans les éboulis et les moraines entre 1900m et 3200m d’altitude.

Il existe aussi le génépi des neiges (très rare et endémique des alpes suisses) et le génépi des rochers (considéré comme une sous espèce).
Quant à la recette de la liqueur, la fameuse loi des 40 (40 brins, 40 sucres, 40 jours) n’est pas forcément la meilleure …

Sources :
http://www.fleuralpine.com/
http://www.genepi05.fr/
https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9n%C3%A9pi

Lac, vallon et réserve du Lauvitel

Lauvitel-trident-daresLe Lac Lauvitel est situé à 1530 mètres d’altitude. C’est le plus grand lac du Massif des Ecrins. Sa superficie (37ha), sa profondeur(68m) et son volume d’eau (7millions de m3) en fond un lac remarquable. Il y a environ 4000 ans,  un éboulement rocheux s’est ajouté à la moraine glaciaire déjà en place pour former un barrage naturel capable de retenir un tel volume d’eau. L’importante variation saisonnière du niveau du lac, de 20 à 25m, est due au fait qu’il ne possède pas de déversoir, l’écoulement se fait par infiltration. Les eaux froides et bien oxygénées du lac abritent plusieurs variétés de poissons dont l’omble chevalier, la truite fario et le vairon. Une légende soutien que le lac aurait englouti un village, dont la cloche de la chapelle sonne encore de temps en temps …

lauvitel-carteTout le vallon situé à l’arrière du lac est classé « réserve naturelle intégrale ». Elle est la première du genre en France. Crée en 1995 par décret, elle couvre près de 700ha de milieux naturels montagnards très diversifiés, s’étendant de 1500 mètres d’altitude au bord du lac à plus de 3150 mètres au Pic du Clapier du Peyron et implique une protection totale avec interdiction de toute fréquentation. Toute activité et pénétration humaine sont donc interdites à l’intérieur de cette réserve. La réserve présenté par Richard Bonet : http://réserve intégrale du Lauvitel

Localisation : Situé à l’entrée de la vallée du Vénéon, juste avant le village de Vénosc . Accessible en 1h10 depuis Grenoble. Parking et départ de la randonnée au hameau de la Danchère (980m) situé au dessus des Ougiers.

Randonnée : Depuis le parking, rejoindre la Chapelle et traverser le village pour prendre le 2011-05-lauvitel-vu-de-la-reservesentier en forêt. Au premier croisement, vers la rivière, on a deux possibilités : soit emprunter le sentier de droite qui serpente tranquillement jusqu’au lac, plus varié et plus doux pour la montée, soit celui de gauche, plus ombragé mais plus raide. Une passerelle permet de changer de versant à peu près à mi parcours. Compter environ 3 heures de marche (1h45 montée et 1h15 descente), 550 mètres de dénivelé et moins de 6 km. Parcours facile sans aucun danger et accessible aux enfants.  Il est possible pour les personnes plus aguerries de continuer jusqu’au Lac De Plan Vianney (2270m) ou le Col du Vallon (2530m). Les plus bucoliques pourront observer (selon la saison) une flore de montagne très riche avec notamment le lys martagon, lys orangé, orchis tacheté, …

Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lauvitel
http://www.ecrins-parcnational.fr/thematique/reserve-integrale-du-lauvitel

Histoire et légende du berger Guilhem

L’histoire contée de la Chapelle St Guillaume

L’histoire racontée du petit berger Guilhem devenu St Guillaume

Cette histoire se passe en 1202, sur les rives de la Durance, tout près de sa confluence avec le Guil. Ici vivait Guillaume, qu’on appelait aussi Guilhem, un petit berger qui était né sans main droite. C’était le temps des seigneurs et des paysans. C’était aussi le temps des moines qui avaient fondé un hospice, dépendant de l’abbaye d’Oulx en Piémont. Cet hospice se nommait Notre-Dame de Calmes. Guilhem connaissait bien les moines : du haut de ses alpages, il les avait vus défricher toute une zone agricole vers le hameau du Cros où il était né. Il savait qu’ils accueillaient les passants en difficulté arrêtés quelquefois par les crues des rivières et des torrents, les pèlerins qui se rendaient à Rome ou à Jérusalem, les voyageurs à pied ou à cheval. Hospice, relais de poste, hôtel, monastère, notre hospice était tout cela.

Un jour, comme il gardait ses brebis, il entendit un grondement sourd. C’était celui du Guil et de la Durance qui roulaient leurs eaux de crue de printemps. Une force irrésistible le poussa à courir jusqu’à Notre-Dame de Calmes pour avertir les moines de la montée des eaux… On ne l’écouta pas « Guillaume, occupe-toi de tes moutons et laisse à Dieu le soin de régler le ciel et la terre ! ».

Il revint plusieurs fois dans la journée, poussé par une même force qui le bouleversait, pour tenter de convaincre les moines. Dans la nuit, Guillaume, couché sur la paille de son châlit, entendit la pluie et le vent qui redoublaient de violence. Quand il s’éveilla, après une nuit difficile, peuplée d’anges et de démons, de moines et d’inondations, il se frotta les yeux… Avec les deux mains ! Dieu lui avait offert une main toute neuve, afin qu’il puisse convaincre les moines. Ils virent et ils crurent ! Ils firent leurs dernières prières, fermèrent à clé les portes du monastère, alertèrent les villageois, et tout le monde alla se réfugier plus haut sur la montagne, au pied de la grand falaise de poudinge. Le flot brutal des eaux des rivières emporta tout, il ne resta plus rien du monastère et du village.

Les moines bâtissent alors un nouveau monastère au pied du rocher de Mont-Dauphin où se trouve la chapelle. Unissant leurs efforts, les habitants des vallées vont au cours des siècles reconquérir les terres de la plaine et emprisonner le Guil et la Durance dans un lit de pierres et de gabions. Accueilli et instruit par les moines, Guillaume devient lui-même religieux puis prieur.

A la mort de Guillaume, la main venue du ciel refusa de rester en terre. On la plaça dans une chasse en argent et elle fit l’objet de prières et de pèlerinages pendant tout le Moyen-Âge. Au XVIe siècle certains archevêques d’Embrun doutèrent de cette histoire. Tout fut fait pour essayer d’empêcher le culte de Guillaume devenu saint. La main accomplit pourtant des miracles : lorsqu’on présente la main, l’incendie du village d’Eygliers est arrêté, elle guérit la jambe gangrenée d’un notaire de Saint-Crépin, elle fait marcher un paralytique de Réotier ! On dit aussi que lors de la construction de la place-forte de Mont-Dauphin, l’ingénieur qui manquait de pierres de tuf pour construire les fours à pain, ordonna qu’on prenne celles du Chœur de la chapelle. Le pain ne put jamais cuire dans ces fours, jusqu’à ce qu’il ait rétabli la voûte du lieu saint… Rien n’arrêta pendant 700 ans la ferveur des habitants du pays !

Aujourd’hui, la Chapelle est ouverte uniquement le lundi de Pâques à l’occasion de la fête de la Saint-Guillaume : procession religieuse et célébration de la messe, puis marché de produits régionaux au pied de la chapelle. La tradition veut qu’après les cérémonies religieuses on « gouteronne » sur l’herbe, on « toque » les œufs durs. Celui dont l’œuf résiste le plus longtemps est le vainqueur : le perdant donne son œuf ou paye un coup à boire.

Sources :
http://sylviedamagnez.canalblog.com/archives/2014/04/21/29459502.html
http://www.baroulade.fr/fr/patrimoine

La Thuriferaie de St Crépin

Thutifère EléphantLe genévrier thurifère est un petit arbre d’environ 6 mètres de haut qui se caractérise par une croissance extrêmement lente et une très grande longévité. En France, cet arbuste appelé aussi genévrier à encens reste rare. L’une des principales zones de protection se situe sur la commune de St Crépin (05) où l’espèce a été pour la première fois répertoriée en 1786. Sur le site, un sentier aménagé permet de découvrir de nombreux individus âgés de plusieurs siècles, aux formes tourmentées.

Les vieux individus peuvent avoir des formes très variées, extrêmement tortueuses ou buissonnantes. Il existe même une variété rampante. Certains spécimens peuvent atteindre 15 mètres de haut, et jusqu’à plusieurs mètres de circonférence à la base. Il ne craint ni la sécheresse, ni le froid, et se contente d’un sol médiocre, voire d’une fissure dans un rocher. Par ailleurs, il se régénère très facilement s’il est coupé, brisé ou encore foudroyé. Sa forte teneur en essences aromatiques le protège des parasites en tout genre, son seul point faible reste sa croissance extrêmement lente, sa faible distribution en France et le feu. L’arbre le plus remarquable de St Crépin, et sans doute de France, est estimé à 1400 ans, mesure 10 mètres de haut, presque 20 mètres de large et sa circonférence atteint les 7 mètres avec un diamètre de 2 mètres.

Le sentier aménagé par la commune est un ancien chemin muletier qui relie le village de St Crépin au hameau des Guions situé à 1280 mètres d’altitude. Le retour par le sentier Combal In Bran permet de faire une très belle boucle, montée par la thuriferaie puis descente sur un chemin plus escarpé qui passe par le site d’escalade de St Crépin, et offre des vues splendides sur la vallée et les sommets environnants. A parcourir sans modération en tout sens et par tous temps! Environ 400 m de dénivelé et 3 heures pour la boucle.

Sources:
http://www.saintcrepin.com/naturel.asp
https://fr.wikipedia.org/wiki/Juniperus_thurifera
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rga_0035-1121_1950_num_38_3_4067

Histoire et légende de la Dame Blanche du col du Lautaret

Cette histoire est connue dans le Briançonnais. La légende se situe en hiver, aux environs du col du Lautaret qui culmine à plus de 2000m d’altitude ;  lorsque les rigueurs de la saison transforment la délicieuse balade connue en été, en une périlleuse et parfois fatale expédition. En effet, lorsque la tourmente se déchaîne, rendant la visibilité quasiment nulle, la route sillonne dangereusement entre des parois de neige formées par les congères et la chaussée est aussi glissante qu’une patinoire. Nombreux sont les gens qui ont du abandonner leur voiture ensevelie sous la neige et poursuivre leur chemin à pied, avec le risque de finir congelé jusqu’au prochain printemps …

sans-titre L’histoire raconte l’étrange aventure survenue à de nombreuses personnes au cœur de la nuit et de la tourmente. Alors qu’elles étaient concentrées sur la conduite de leur véhicule, une incroyable apparition les surprenait au détour d’un virage. Une dame vêtue d’une robe et d’un châle dont la blancheur immaculée rappelait celle de la neige, faisait de l’auto-stop appuyée contre une paroi glacée. Troublés et peinés par l’apparent dénuement de cet étrange fantôme, nombreux sont ceux qui lui offraient l’hospitalité dans la réconfortante chaleur de leur voiture. Son visage était entièrement dissimulé par son châle et toutes les tentatives de conversation s’avéraient vaines, elle gardait obstinément le silence. Les automobilistes reprenaient alors leur conduite et la nécessité de se concentrer leur faisait momentanément oublier leur passagère ; et le voyage se poursuivait toujours sans dommage. Dès la tourmente terminée et le col franchi, ils ne pouvaient que constater la disparition de la Dame …

 Dans les auberges de la région, on raconte que la Dame Blanche du Lautaret protège les automobilistes qui la prennent à leur bord. Quant à ceux qui l’ignorent, leur voyage se poursuit au péril de leur vie.  On raconte aussi que certains ont été internés en asile psychiatrique, à Laragne, pour avoir relaté cette histoire …

Caractéristiques des histoires et légendes sur les Dames Blanches :

Généralement, les dames blanches se matérialisent toujours au même endroit (routes, ponts, chemins, grottes, …). Elles tirent leur nom de leur vêtement ou de la lumière qui émane d’elles. L’apparition se manifeste souvent au milieu de la nuit, heures propices aux fantômes. Elles représentent généralement un esprit en peine, une âme triste, errant sur le lieu d’un drame et ce, jusqu’au jugement dernier. Dans certaines histoires, la dame blanche apparait comme rusée et malicieuse, voulant quelque fois se venger en jouant des tours et en égarant les voyageurs.

Histoire et légende du Pré de Madame Carle

PMC-aujourSitué en amont d’Ailefroide, ce site ferme la vallée de la Vallouise. Aujourd’hui, c’est une plaine de dépôts glaciaires et d’alluvions torrentiels, zone caillouteuse, agrémentée de quelques mélèzes et vernes, balayées  par les eaux de fonte des glaciers qui donnent naissance au torrent de St Pierre. Malgré cette prédominance minérale, c’est cependant un endroit magnifique, haut lieux touristique du massif ou l’on peut sentir la présence des glaciers, Blanc et Noir, invisibles mais tous proches et aussi entrapercevoir les plus hautes cimes du massif des Ecrins. Le Pré de Madame Carle est, sans conteste possible, le lieu le plus célèbre et le plus visité de la Vallouise. On put l’atteindre en voiture dès 1934. Aujourd’hui, son immense parking permet d’accueillir les milliers de visiteurs qui s’y pressent entre juillet et août.

Au début du XIXe siècle, le glacier Blanc et le glacier Noir se chevauchaient vers l’actuel emplacement du refuge Cézanne est cette zone devait être encore moins hospitalière qu’aujourd’hui. Sur certaines  cartes de l’époque, on nommait ce lieu la Grande Sagne, autrement dit le grand lieu humide.

Il faut remonter au XVIe siècle pour trouver des récits parlant d’une prairie fertile et verdoyante. Il faut voir qu’à cette époque, le climat était beaucoup plus chaud et les glaciers, Blanc et Noir, devaient être cantonnés sur leurs plateaux supérieurs. La formation même du site remonte dit on encore plus loin dans le temps, et résulterait du comblement d’un ancien lac glaciaire.

Les chroniques de la Vallouise indiquent que le Pré existait bel et bien, là où il y a maintenant, que des cailloux. C’était un bel alpage qui faisait partie des biens (Bâtie de la Vallouise et ses appartenances) donnés en 1505 par le Roi Louis XII à Geoffroy Carle, Président du parlement du Dauphiné. A sa mort, son épouse Louise Sereyne, originaire de la vallée, administra ses biens et aurait donné ainsi son nom à ce lieu. Une autre tradition attribue ce nom à la belle-fille de ce même Geoffroy Carle, qui au début du XVIème siècle avait été le précepteur de la fille du roi Louis XII. En effet, il aurait acheté en 1510 l’ancien château de la Bâtie des Vigneaux avec ses terres. Son fils Antoine Carle mourut jeune, laissant une veuve et 10 enfants. A leur majorité, ils se partagèrent les biens paternels et laissèrent à leur mère, cette parcelle de terre qui prit le nom de Pré de Mme Carle. Mais beaucoup d’autres légendes courent encore autour de ce pré notamment celle qui voudrait qu’ait péri ici, tirée par un cheval emballé sur ordre de son époux, l’épouse un peu volage de Geoffroy Carle, le premier président du Parlement de Grenoble … La légende contée

Sources:
http://www.vallouimages.com
http://jean.paglieri.pagesperso-orange.fr
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Du parc national de la Bérarde au parc national des Ecrins

alpine_journal_I_ecrins-ptAvant le développement de l’alpinisme et de la géographie (carte de Cassini), le massif était très mal connu. En raison de sa taille et de sa complexité, les autochtones étaient incapables de se le représenter dans toute son étendue et ne nommaient que les cols, sommets, vallons, qui présentaient un intérêt pour les déplacements, les usages, la chasse. Tous les sommets n’en portaient pas. A la fin du XIXe siècle, ces montagnes étaient connues sous divers noms, tels que massif de l’Oisans, de la Meije, du Haut Dauphiné, du Pelvoux.

Ce XIXe siècle est placé sous le signe des bouleversements. Urbanisation galopante, révolution industrielle, développement économique, amélioration des axes de transport, montée de la bourgeoisie, … favorisent une meilleure circulation des idées et les grands débats comme celui de la protection de la nature commence à germer.

Au milieu de ce XIXe siècle, les sociétés montagnardes connaissent un maximum de population et sont confrontées à une crise démographique, économique et culturelle dont elles sortiront profondément remaniées.

La dégradation physique des montagnes, liée à une mauvaise exploitation des forêts, à des problèmes de surpâturage entraîne de nombreuses catastrophes durant la seconde moitié de ce siècle. On tient cette érosion pour responsable des phénomènes de torrentialité déjà connu des spécialistes, mais totalement ignorés du grand public. Ils sont à l’origine de graves inondations dans les plaines. Elles sont très fréquentes et ravagent la plaine de Bourg d’Oisans, et parfois même la vallée en aval jusqu’à Grenoble. Les nombreuses industries qui s’installent peu à peu dans la basse vallée de la romanche, sont elles aussi directement concernées par ces catastrophes à répétitions. Tout ce monde milite donc pour que soit mis un terme aux caprices des torrents situés en amont, notamment celui du Vénéon. Parallèlement, les forestiers demandent des moyens d’intervention accrus pour procéder à des reboisements et lutter contre le surpâturage.

La seconde moitié de ce XIXe siècle est aussi marqué par l’essor de l’alpinisme. Jusqu’alors activité marginale et confidentielle, essentiellement pratiquée par de riches anglais, l’alpinisme est découvert par les classes aisées de la France en train de s’industrialiser. De l’exploitation de l’espace montagnard à sa prise de possession matériel et symbolique, puis un souci de préserver le caractère exceptionnel de ce milieu, il n’y a que quelques pas qui seront vite franchis. Ainsi vont être crée trois grandes associations qui vont militer dans ce sens. Le CAF (Club Alpin Français) en 1874 avec pour objectif de faire connaître les montagnes, la STD (Société des Touristes Dauphinois) en 1875 aux ambitions plus local est limitée aux Alpes Dauphinoises, puis le TCF (Touring-Club de France) en 1890 qui à une ambition nationale de développement du tourisme, mais sera amené à s’intéresser aussi à la sauvegarde des montagnes.

Enfin cette période est marquée par la montée d’un sentiment écologique, surtout inspiré par des considérations d’ordre esthétique. Des esprits critiques commencent à s’insurger contre certains excès du développement et du progrès, notamment les équipements hydro-électriques, et des voix s’élèvent pour réclamer des mesures de protection des beautés de la nature et des paysages.

Ces trois courants de pensée vont évoluer de manière interdépendante. Ils se confortent mutuellement, convergent parfois. Il existe des liens idéologiques, institutionnels ou personnels entre les différents acteurs. Ils se retrouvent bien souvent au sein d’associations qui fonctionnent comme autant de groupe de pression. Même si l’idée reste floue et parfois ambigüe, on commence à militer en faveur de la protection de la montagne.

Le début du XXe siècle va concrétiser ce changement. Jusqu’en 1905, les espaces pastorales continuent à être surexploités, voire étendus sur certaines communes, notamment celle de St Christophe en Oisans, pour accroitre les rentrées financières. En 1906, une longue période de sécheresse va stopper cette surexploitation des pâturages. L’année suivante, les transhumants se détournent des pâturages du Vénéon, ce qui oblige la commune à se tourner vers le préfet pour demander de l’aide, et va susciter alors une véritable coalition des pouvoirs publics et associatifs, pour convaincre la municipalité aux abois de louer à l’état, pour une période de 5 ans son territoire pastoral afin d’en assurer la restauration. Parmi les adjudicataires, on retrouve l’état mais aussi bon nombre d’acteurs qui, dès la fin du XIXe siècle avaient sollicité l’intervention de l’autorité pour endiguer les excès de torrentialité dans les vallées du Vénéon et de la Romanche.

Jusqu’alors, tout ce qui s’est passé dans la vallée du Vénéon n’a pas de lien direct avec les grands mouvements d’idée autour de la protection de la nature. Il s’agit de régler, dans l’intérêt des populations locales, une mauvaise gestion de l’espace pastoral. A aucun moment n’est prononcé le terme de parc national. Tout va basculer avec l’arrivée d’un nouveau responsable à la tête de la conservation des Eaux et Forêts de Grenoble. Avec lui, le problème de la restauration pastorale pour endiguer les phénomènes de torrentialité prend une autre tournure. De local, il devient national. Dès lors, il va être explicitement question de la création d’un parc national, et la vallée de la Bérarde devient un providentiel terrain d’application des théories qui foisonnent en ce début de siècle (reboisement, protection des forêts, aménagement des montagnes, …). Pour concrétiser ce projet, il va faire en sorte que l’état devienne propriétaire des terrains, chose qui sera réalisé en 1912.

L’état est désormais propriétaire de 4000 hectares de montagne sur les hauteurs de St Christophe en Oisans, et l’histoire du parc peut commencer. Ainsi en 1913, est créé le parc national de la Bérarde  sur le modèle de la réserve suisse de l’Engadine, fondée quatre ans plus tôt. Il s’agit de défendre la montagne contre l’envahissement des pâturages, qui entraine érosion, déboisement et désordre torrentiel. L’appel aux souscriptions pour la gestion du parc est à peine lancé, qu’éclate la première guerre mondiale et plus rien ne se passe durant cinq ans.

Ce n’est qu’à partir de 1919 que l’on reparle du parc. Mais les temps et les hommes ont changés, et l’engouement national n’est plus aussi fort. L’association des parcs forestiers est dissoute en 1922, et c’est l’administration des Eaux et Forêts qui récupère le parc, considéré comme une coquille vide avec des terrains incultes et inexploitables. Bien que ne sachant pas trop commet gérer cette nouvelle chose dont ils ont hérités, les forestiers ne restent pas inactifs. Ils essayent de donner un contenu au parc mais se heurtent à une série de limites juridiques, financières et humaines. Il faut attendre 1923 et la volonté des forestiers pour voir s’accroître l’emprise territoriale du parc, avec l’achat de 6000 hectares sur la commune du Pelvoux. L’année suivante, c’est près de 3000 hectares qui sont acquis dans le Valgaudemar.

Parc national du Pelvoux 1924A la fin des années 1930, le parc couvre une superficie d’environ 13000 hectares, et s’appelle désormais parc national du Pelvoux. Côté surveillance, introduction d’espèces végétales ou animales, peu de choses à noter sur cette période sans doute par manque de moyen. C’est dans le domaine de l’aménagement que l’action du parc est la plus visible. Aménagement de sentiers, construction de refuges, construction de la route jusqu’à la Bérarde, opération débutée en 1912 mais stoppé par la guerre et qui se terminera en 1927 ; et enfin la route d’Ailefroide au pré de Madame Carle en 1937 et 1938. En 1933, on parle d’un projet d’aménagement de téléphérique allant de la Grave au sommet de la Meije, projet qui va mobiliser l’opinion et raviver la nécessité de protection de la nature. Ce projet sera abandonné et il permettra de classer la Meije et d’autres sites, le lac du Lauvitel, le village de la Bérarde, le plan du Carrelet et cinq refuges en zone protégée.

Puis arrive la seconde guerre mondiale, et de nouveau le parc reste en sommeil. La période 1945 à 1960 est pour le parc national du Pelvoux celle du doute et du déclin. Les institutions centrales semblent se désintéresser de cette zone, et aucune politique de gestion cohérente de l’ensemble ne se dessine. Encore une fois, le parc vivote notamment grâce aux forestiers. Fin 1962, le parc a même perdu son statut de parc national, on utilise officiellement le terme parc domanial du Pelvoux. Depuis 1957, les regards et les intérêts se portent sur la création du parc national de la Vanoise, qui mobilise toutes les attentions, parc qui voit le jour en 1963.

Cette même année, le CAF publie un article qui relance le projet du parc du Haut Dauphiné. A l’époque, c’est le début de l’âge d’or de l’aménagement du territoire. La France est en pleine mutation économique et démographique, et les Alpes connaissent une véritable explosion touristique. On découvre l’importance des sports de nature. Tous ces éléments constituent un contexte très favorable à la relance du projet, mais les administrations concernées sont cette fois absorbées par la création du parc national des Pyrénées.

On reparle du parc en 1969, de nouveau grâce au CAF, qui publie un nouvel article pour la création du parc national des Ecrins, et cette fois le pouvoir public semble s’y intéresser. L’idée fait son chemin et en 1970, un rapport favorable est soumis aux institutions en même temps que le projet du parc national du Mercantour. Trois années sont encore nécessaires pour consulter, négocier, redéfinir les limites et enfin aboutir le 27 mars 1973 à la création officielle du parc national des Ecrins. C’est le cinquième parc national.

Soixante ans après le parc national de la Bérarde, le parc national des Ecrins est enfin crée. Commence alors une nouvelle aventure …

Parc national des Ecrins 2010Aujourd’hui, le territoire du parc national des Ecrins (91800 hectares), s’étend entre les villes de Gap, Briançon et Grenoble. Il est délimité par les vallées de la Romanche, la Guisane, la Durance et le Drac. Six grandes vallées structurent le massif : Le Vénéon, la Vallouise, le Champsaur, le Valgaudemar et le Valbonnais.

Il compte une centaine de sommets à plus de 3 000 mètres et une quarantaine de glaciers (couvrant environ 17 000 hectares).Il possède plus de 700 km de sentiers entretenus et balisés, et une trentaine de refuges de montagnes. Deux sommets dépassent les 4000m (Barre des Ecrins (4102m) et Dôme de neige des Ecrins (4015m)), et quatre les 3900m (Meije 3983m, Ailefroide 3954m, Pelvoux 3946m, Pic sans nom 3913m). Le Parc possède aussi un grand nombre de lacs spectaculaires dont le Lauvitel, qui est une réserve intégrale, et affiche une profondeur de 60m pour 30 hectares de superficie.

Plus de 270 espèces animales (210 espèces d’oiseaux, dont 40 couples d’aigles royaux ; 64 espèces de mammifères, dont 15000 chamois et 600 bouquetins) et plus de 1800 espèces de fleurs, plantes (dont 216 répertoriées comme rares ou menacées et 35 endémiques) vivent dans ce massif.

Mais ce parc national des Ecrins, reste dans le cœur de beaucoup d’entre nous l’Oisans sauvage. Il renferme encore de profondes vallées sans refuge, des sommets isolés sans parasite sonore ou visuel de la civilisation, de longues marches propices à pénétrer cette nature, pour peu qu’on s’éloigne des sentiers battus …

Sources :
Chronique d’un parc oublié de JP. Zuanon
http://www.ecrins-parcnational.fr